Sabrer le champagne puis sabler le champagne ?
Pourquoi ne peut-on sabler le champagne avant de le sabrer ?
Sabler ou sabrer le champagne ? Voici une question sur laquelle on n'a pas fini de débattre, et qui ne peut donc qu'intéresser fortement les fidèles omnilogistes occupés à lire cet article du jour !
À l'analyse de ces deux termes, il apparaît qu'ils ne visent finalement pas le même fait, et on verra que l'on peut bien sabrer le champagne avant de le sabler. Même si cela est sans doute dommage dans les deux cas, quantitativement puis qualitativement !
L'expression « sabler » une boisson apparaît au XIXe siècle ; il s'agissait de boire rapidement et à fortes gorgées la boisson – pas forcément du champagne d'ailleurs –, et provient de l'acte de couler des métaux en fusion dans un moule de sable fin. Il faut rapidement faire couler la matière en fusion pour assurer la qualité de l'objet. Il s'agit d'une métaphore pour signifier la rapidité d'une action ; de même qu'on jette précipitamment une matière première dans un moule, on jette le vin dans le gosier
(dictionnaire anonyme 1728).
Voilà donc comment on vide rapidement une bouteille, fût-elle de champagne !
L'expression demeure de nos jours, exclusivement pour le champagne, et ayant perdu au fil des ans sa notion d'ingestion goulue pour ne garder que le fait de se délecter de ce breuvage.
Mais pour s'en délecter, encore faut-il avoir ouvert la bouteille ! Et c'est là qu'apparaît la notion de « sabrer le champagne »…
Il semblerait que cette tradition remonte à l'époque napoléonienne. On se doit d'être viril, on agit « à la hussarde »… Pourquoi perdre du temps pour ouvrir une précieuse bouteille, alors qu'un ample geste solennel peut donner du relief à cette activité ?
Le « briquet », sabre napoléonien, mais aussi toute autre épée peut bien faire l'affaire…
La bouteille tenue par son corps, paume en dessous, d'une main ; la seconde armée d'une lame glisse le long du culot, et d'un coup sec, du revers de la lame, vient heurter le goulot : la bague de la bouteille, sous le choc associé à la pression interne de la bouteille, casse net et s'éjecte, avec le muselet et le bouchon. Et cela à la vitesse de treize mètres par seconde : la prudence élémentaire incite à viser une zone démunie de tout omnilogiste ! Dommage collatéral, vous perdez en quantité de boisson ce que vous gagnez en prestige et solennité.
La brisure étant nette, il est censé n'y avoir aucun risque de trouver des éclats de verre dans le champagne, mais songez tout de même à vérifier avant de servir vos invités !
Cette tradition perdure notamment dans les armées, cavalerie, et diverses écoles militaires. Puisqu'il faut bien, pour agir dans les règles, être doté d'un sabre ou d'une épée, ce qui n'est pas – plus – toujours le cas pour le commun des mortels !
Et voilà, il ne vous reste plus qu'à vous délecter de ce qu'il reste de vin, mousse et bulles dans la bouteille ainsi décapitée.