Aujourd'hui, mon très cher lectorat, dans ma grande mansuétude, je vais vous apporter encore une fois les outils pour briller parmi vos amis.

Vous qui êtes bien entendu des gens de bonne société, vous naviguez souvent dans des réceptions mondaines où l'on parle des grands noms de la Musique, de la Peinture, de la Littérature, des Sciences et de toutes ces choses.
Mais lors de ces discussions ampoulées où chacun cherche par tous les moyens à étaler plus que de raison sa faible culture, il y a une question qu'on évite d'aborder. Et c'est là que je pose la question : quel est le prénom de Monsieur Brahms ? Vous séchez ? C'est bien, ça donnera à mon article un semblant d'utilité.

Faisons ensemble une petite liste non-exhaustive de personnages célèbres dont vous pourriez avoir oublié le prénom. Cette liste est le fruit d'une longue réflexion sise sous les torrents tumultueux qui jaillirent de ma pomme de douche un matin d'Octobre.

  • Brahms (1833-1897) : Ce charmant compositeur, pianiste et chef d'orchestre allemand, grave et beau, est considéré par beaucoup comme le successeur de Ludwig Van Beethoven. Ça pose son homme, non ? Enfin, quand il faisait des bêtises, ça n'empêchait pas sa mère de crier : « Johannes, viens ici tout de suite ! », et de lui administrer une fessée bien méritée.
  • Haendel (1685-1759) : Aaah, Haendel ! Contemporain de Johann Sebastian Bach(1) (1685-1750) et personnification aux côtés de ce dernier de la musique baroque, né Allemand et naturalisé Anglais, virtuose au clavecin et à l'orgue, ce beau perruqué(2) est enterré à Westminster. Pour trouver sa tombe, cherchez Georg Friedrich.
  • George Sand (1804-1876) : Écrivain de renom, figure de proue du féminisme littéraire et agitée de la culotte(3), Aurore Dupin aura marqué son époque et laissé un souvenir impérissable dans les esprits de Chopin et Musset.
  • Eddy Mitchell (1942-2013) : Notre bon vieux rocker crooner avec ses chaussettes noires. Avouez que pour vendre des disques, Eddy Mitchell, c'est mieux que Claude Moine.
  • Dante (1265-1321) : Oui, là-bas, dans le fond ? Son prénom, c'est Dante ? Mais c'est qu'il est moins bête qu'il n'en a l'air ! Effectivement, le grand poète(4) est connu par son prénom. Mais son nom ? Un indice : il est Italien. Non, ce n'est pas Panzani ni Buitoni. Ni Oncu. A… Al… Allez les Verts ? Neamar, dehors. Arrêtons les frais, Virgile accompagne en Enfer Dante Alighieri.
  • Copernic (1473-1543) : Le Copernicus Commun, découvert en 2005 et identifié en 2008, est une espèce bien particulière. Chanoine multitâche, cet humanoïde était un trublion parmi ses semblables, défendant corps et âme, mais sans le dire à personne, des théories farfelues comme l'héliocentrisme. Ses amis, tel Léonard de Vinci, l'appelaient “ce sacré Nicolas”.
  • Galilée (1564-1642) : Grand fan de “ce sacré Nicolas”, ce p'tit bonhomme à lunettes(5) a passé sa vie la tête dans les étoiles en trifouillant des pendules et en jouant avec des glaçons. Contrairement à Nico, il a une grande gueule, ce qui lui vaudra plusieurs interdictions d'enseigner ses théories et au final une condamnation à la prison à vie (qui fut en fait commuée en une assignation à résidence par son pote Urbain VIII). Vilain Galilée ! C'est l'Église qui a raison, non mais ! En plus avec un nom pareil, tu ferais mieux de rester caché. Tes parents ce sont bien foutus de toi, quand même, Galileo Galilei.
  • Nobel (1833-1896) : Non, il ne s'appelle pas Prix. Mais c'est lui qui a créé, en mourant, cette récompense grâce à son immense fortune. Cet explosif suédois(6) n'a pas toujours été très sympathique aux yeux du monde. Il a d'ailleurs créé son prix à cause d'une nécrologie prématurée peu flatteuse(7). Et comme le Prix Alfred, c'était un peu risible, il s'est décidé pour le Prix Nobel.
  • Fields (1863-1932) : Attention à ne pas confondre les deux grands Fields de l'époque. L'un est un comique avec un prénom de chiottes(8) et l'autre un mathématicien éminent et certainement un peu contrarié. Contrarié, car il ne pouvait pas avoir le Prix Nobel(9). Alors il a créé sa distinction à lui, la Médaille Fields. Et une médaille, c'est la classe, on peut la porter sur le revers de son veston. Merci J.C.(10) !
  • Goncourt (1822-1896) : Monsieur et Madame Cucédupoulé ont un fils. Ah, il l'aimait son p'tit frère, pour créer une académie et un prix à sa mémoire. Il faut dire que sans Jules (1830-1870), sa bibliographie serait un peu chiche et il n'aurait pas pu profiter du lit d'Alphonse Daudet pour défunter. Au fait, vous avez trouvé la réponse ? Non ? Edmond(11). Edmond de Goncourt.
  • Voltaire (1694-1778) : Je ne présenterai pas ce grand philosophe, que vous connaissez tous. Par contre, on ne m'ôtera pas de l'idée que signer des textes avec un nom de fauteuil, c'est con. Pourtant, c'est joli, François Marie Arouet, non ?
  • Ravel (1875-1932) : Créer un boléro ne veut pas forcément dire qu'on est couturier. Là, par exemple, on parle d'un compositeur qui a mangé tous les Chocosuisses. Mais pour l'œuvre magnifique que tu nous as léguée, nous te pardonnons, Maurice(12).
  • Le Caravage (1571-1610) : En voilà un qui me plaît. Habitué des tavernes et des bas-fonds, considérant la chasteté et la sobriété sexuelle comme des notions floues et absurdes(13), ce crayonneur italien a un nom marrant en plus d'un génie pictural certain. C'est toujours ça le problème sur les tableaux : avec un nom à rallonge, la signature ne rentre plus sur la toile. Donc, Le Caravage, c'est plus pratique que Michelangelo Merisi da Caravaggio.
  • Le Tintoret (1518-1594) : J'aime assez ce surnom(14), le Tintoret. S'appeler “le petit teinturier”, ce n'est pas trop mal quand on se traîne la réputation d'avoir dépassé son maître dans la maîtrise des couleurs. En revanche, ça n'aide pas pour se rappeler de son prénom, ni de son nom dans ce cas-ci. Parce que, franchement, la relation entre “Tintoretto” (15) et Jacopo Robusti, vous la voyez, vous ?

Bon, faisons le point. Musique, c'est fait. Peinture, c'est fait. Sciences, c'est fait. Littérature, c'est fait.

Maintenant que vous avez tout retenu, vous ne passerez plus pour des incultes dans les soirées mondaines. Plutôt que de répondre, quand on vous parle de Liszt : « Ah, oui, Lizszst(16), quel grand compositeur. », vous susciterez l'admiration de votre auditoire en rétorquant : « Ce bon vieux Franz ! Qu'est-ce qu'il devient, d'ailleurs ? »(17).


  1. (1) Jean-Seb pour les intimes.
  2. (2) Inventer des mots, c'est ma grande passion.
  3. (3) La preuve, ici.
  4. (4) La Divine Comédie est un poème, oui, écrit en tercets enchaînés d'hendécasyllabes, d'abord.
  5. (5) Astronomiques, niais que vous êtes.
  6. (6) Explosif, car il est l'inventeur de la dynamite. La dynamite qui est beaucoup moins dangereuse que la nitroglycérine. Mais beaucoup plus rigolote.
  7. (7) « Le marchand de la mort est mort. Le Dr. (…) Nobel, qui fit fortune en trouvant le moyen de tuer plus de personnes plus rapidement que jamais auparavant, est mort hier. ». Avouez que ça doit remettre les choses en perspective.
  8. (8) W.C.Fields
  9. (9) Selon la légende, le père Alfred n'a pas voulu de Prix Nobel de mathématiques parce qu'il s'est fait piquer sa nana par un mathématicien.
  10. (10) John Charles.
  11. (11) Même pas honte.
  12. (12) Je n'ai toujours pas honte.
  13. (13) Avec raison. C'est quand même plus sympa de jouer un dix-huit trous que de rester sur le practice.
  14. (14) Oui, c'est un surnom.
  15. (15) Ce surnom lui fut donné par son père, teinturier.
  16. (16) Celui-là, je vous l'accorde, il a un nom imprononçable.
  17. (17) Et votre ignorance quant à la mort de Franz en 1886 à 74 ans passera ainsi pour de l'humour.