Tout fidèle lecteur omnilogiste se rendant à une représentation théâtrale pourra donc croiser dans la même soirée deux brigadiers. Le premier, dont il n'ignore plus rien, à bord d'un véhicule sérigraphié de police, avant ou après la séance. Et le second au théâtre même.

Brigadier (bâton) de théâtre.

Boum boum boum boum boum boum boum boum boum boum boum boum boum ; BOUM BOUM BOUM…

En effet, quelques secondes avant la montée ou le coulissement du rideau de scène, pour calmer les spectateurs turbulents et mettre fin au traditionnel brouhaha qui envahit la salle, retentissent ces coups frappés à l'aide d'un bâton sur le plancher de la scène. Voilà donc le premier comédien (virtuel) de la soirée : le brigadier.

Mais quelle est l'origine de cette tradition et pourquoi ce nom(1) ?

Notons au préalable qu'il s'agit là d'une habitude exclusivement française, inconnue outre hexagone. Encore un produit spécifiquement « made in France » ! Comme pour tout beau morceau musical, étudions déjà successivement les deux temps qui rythment cette traditionnelle activité…

Tout d'abord, les onze coups rapides.

Mais justement, certains évoquent onze coups, voire douze, et force est de constater que nul écrit n'existe pour certifier le nombre. Les références bibliques sont courantes dans notre vie usuelle, surtout dans des traditions issues du Moyen-Âge.

  • Les onze coups, le plus souvent cité, correspondraient aux onze apôtres (moins le traitre).
  • Les douze coups concerneraient eux « le nombre parfait », lui aussi symboliquement évoqué dans la bible(2).

Viennent ensuite les trois coups plus espacés.

  • Première explication, toujours religieuse : pour évoquer la Trinité (Le Père, le Fils et le Saint-Esprit).
  • Seconde explication : trois saluts effectués par les acteurs devant les puissants, un côté « jardin » à l'attention du machiniste, un côté « cour » (jadis, au Roi et à la Reine), et enfin un au public.
  • Troisième explication, sans doute plus rationnelle et citée d'assez ancienne tradition dans des ouvrages : la première série de coup est effectuée par le régisseur pour attirer l'attention du public et surtout des machinistes, puisqu'il ne dispose alors pas encore de moyens modernes pour communiquer avec eux… Le machiniste placé dans les dessous de scène accuse alors réception et indique qu'il est prêt à assurer sa fonction d'un coup sec, puis celui en hauteur dans les cintres et enfin le dernier, placé du côté opposé à celui du régisseur. Tout le monde étant prêt, le rideau pouvait donc être ouvert et la magie du spectacle débuter.

Enfin, pourquoi ce nom de « brigadier » ?

Le terme semble trouver son origine dans la marine, où le brigadier dirige la brigade qui compose l'équipage. Le brigadier commandera ensuite une brigade dans l'armée, la police, les pompiers… ou même en cuisine ! C'est donc le chef d'équipe, comme le régisseur dirige la sienne au théâtre.

Ce brigadier bien bruyant de théâtre est un morceau de bois, taillé dans une perche de théâtre, le plus souvent orné de velours rouge (mais d'autres couleurs sont citées) et entouré de clous. Il se dit qu'un régisseur quittant ses fonctions partait avec son brigadier, son successeur ayant hâte d'en fabriquer un nouveau à sa prise de fonction.

SILENCE ! Que le spectacle commence…


  1. (1) Car il est ici de tradition, outre de poser des questions, d'apporter des réponses !
  2. (2) 12 apôtres, 12 tribus d'Israël, le nombre des disciples attendant la Pentecôte est de 120 (Actes 1,15), soit 10 fois 12, Apocalypse avec 144 000 personnes marquées du sceau du Dieu vivant, 12 000 de chaque tribu d'Israël, soit la multitude (Ap 7), récit de multiplication des pains : à la fin du repas (Mc 6, 30-44), il reste 12 corbeilles pleines.