Salut à toi, lecteur toujours fidèle !
Salut à toi, lecteur occasionnel !
Salut à toi, lecteur qu'on dépucelle !
Salut à toi, quatrième rime en [Ɛl](1) !

*BUUURP ! *… oups. Mon très cher lectorat, je vous prie d'accepter mes plus plates excuses tandis que me monte au front le rouge de la confusion(2).

Comprenez-moi. J'ai l'estomac délicat, et le coq au vin de bon matin a une vilaine tendance à entrer en conflit avec la téquila de la veille.
« Pourquoi diable alors s'empiffrer de volaille imbibée de Beaujolais dès potron-minet ? » me direz-vous, avec raison. Il eût été pourtant simple de s'en passer. Certes. J'eusse pu… j'eusse pu remplacer ce gallinacé vinassé(3) par un tournedos Rossini ou une biscotte sans sel, mais j'avais de bonnes raisons de boulotter ce polygame de basse-cour.

Figurez-vous que j'ai un train de vie assez fantasque, virevoltant sans cesse de soirées en afters, narguant Phébus aux yeux mi-clos dardant avec peine ses rayons fatigués en m'affichant flanqué de deux ballerines moscovites aux multiples talents sur le chemin de ma suite au Ritz ; train de vie que je maintiens grâce à mon immense fortune acquise de manière parfaitement légale tant qu'on n'y regarde pas de trop près(4).

Toujours est-il qu'occasionnellement, je me complais à embrasser de tout mon être la chaleur rassurante des bras de Morphée, abandonnant alors mon corps d'albâtre au doux baiser du lin à des heures raisonnables.
Las, les Moires m'ont pris en grippe, car en ces jours où mon corps réclame quelque repos, c'est sans coup férir à l'heure où Hélios met son char en branle que d'horribles hurlements agressent mes tympans.

De nature inquisitrice, je fus prompt à rechercher les causes de ces ignobles criailleries et me retrouvais alors face à un coq.
Versé dans l'art de la question, je m'enquis alors auprès du susmentionné gallinacé au cloaque triphasé de son engouement pour ce tintamarre matutinal. N'ayant eu pour réponse qu'une odeur de plumes brûlées tandis que mon coq coqueriquait désespérément à pleins poumons, je m'en fus voir le fermier propriétaire dudit coq.

Celui-ci, promptement calmé de sa folie meurtrière à mon endroit à coups de pelle dans la margoulette, m'apprit que son roi du poulailler n'avait en aucun cas pour but de nuire à mon sommeil en poussant ses cris auroraux. Ceux-ci servent en effet à asseoir son statut de domination sur le poulailler en rappelant tant aux poules qu'aux autres roitelets à crête que son territoire et son éventuel harem sont bien à lui.

Bien, bien, bien, mais pourquoi s'évertue-t-il à hululer durant mes heures de sommeil ? demandais-je alors au bouseux. Eh bien, cher monsieur, me répondit-il, en fait, me corrigea-t-il, il coquerique tout au long de la journée, mais l'environnement sonore étant plus faible en matinée, le cri de mon fier bestiau vous importune plus à ces heures-là qu'en d'autres moments du jour où, j'en suis certain, vous ne le remarquez même pas.
Cher monsieur le fermier, je vous remercie de cette aimable explication. Permettez que j'emporte la carcasse cramoisie de votre coq afin d'en faire bombance de ce pas.

Voilà, cher lectorat, la raison de ce vacarme matinal. Si le coq chante dès potron-jacquet, c'est pour marquer son territoire, à l'instar des grands fauves de la savane qui eux, ayant la chance d'avoir une vessie digne de ce nom, font pipi autour de leur domaine. Alors, de grâce, ne soyez pas trop dur avec ce pauvre coq et laissez-le chanter. Au pire, achevez-le d'un seul coup, car, après tout, ce n'est pas de sa faute.


  1. (1)
    — *plonk plonk*
    — Qu'est-ce que tu fabriques ?
    — J'accorde ma guitare.
    — Je vois ça, mais dans quel but ?
    — Eh bien, je m'suis dit, tant qu'à avoir un générique d'article, autant y adjoindre un petit air entraînant et accrocheur.
    — Ah.
    — D'où la guitare.
    — Ah.
    — Pas con, hein ?
    — C'est un point de vue… Oserais-je te rappeler que notre public est un lectorat ?
    — Et alors ?
    — Ils… lisent les articles.
    — Oui ?
    — Avec leurs yeux.
    — Bien, bien.
    — Aucun autre sens que la vue n'est mis à contribution.
    — Ouais, ben, je ne vois pas le rapport avec… Oh.
    — Voilà.
    — Effectivement.
    — Pas trop déçu ?
    — J'boirais bien un coup.
    Bourbon ?
    — Un triple.

  2. (2) Encore ‽
  3. (3) C'est un barbarisme à chier, utile pour une rime en « é ».
  4. (4) Fermer les yeux restant à ce jour la manière la plus certaine de s'en convaincre.