Cher lecteur, tu sais sûrement que le chien aboie, que l'âne brait et que le tort tue. Tu te demanderas donc à quoi peut bien te servir cet article, si ce n'est à te rappeler que les cris des animaux sont, entre autres, tout à fait intéressants au niveau du vocabulaire employé pour les désigner.

Toutefois, il faut que je te dise, en premier lieu, qu'il faut différencier le crapaud et le corbeau.

Maître Corbeau, sur un arbre perché,
Tenait en son bec un fromage.
Maître Crapaud, par l'odeur repoussé,
Lui tint à peu près ce langage :
« Hé ! bonjour, Monsieur du Corbeau.
Que ce laitier m'ennuie ! qu'il est temps de le jeter à l'eau !
Sans mentir, si ses ravages
Se rapportent à votre plumage,
Vous êtes la Honte des hôtes de ces bois. »
À ces mots le Corbeau ne se sent pas d'effroi ;
Et pour montrer sa forte voix,
Il ouvre un large bec, croasse comme roi.
Le Crapaud d'horreur est saisi, et dit : « Mon bon Monsieur,
Apprenez que toute horreur
Vit aux dépens de celui qui s'en coûte :
Cette leçon vaut bien que j'en coasse, sans doute.  »
Le Corbeau, honteux et confus,
Jura, mais un peu tard, qu'on ne l'y prendrait plus.

Cette fable, admirablement reprise par mes soins précieux, t'aura enseigné deux choses : la première, que le fromage est quelque chose que j'abhorre plus que le reste ; la deuxième, que le corbeau croasse, tandis que le crapaud coasse.

Maintenant, passons au plus amusant : le vocabulaire. J'en suis presque à classer dans différentes catégories ces verbes touchants, drôles, sonores, tant ce lexique est charmant et charnu. Dans la série des verbes aux sonorités vuvuzueliennes, je te citerai, par exemple, la bécasse, qui coucouanne ; toujours dans les oiseaux, le colibri, la mésange et le roitelet, qui zinzinulent ; il arrive au hibou de boubouler. À présent, les verbes qui gueulent : taureau, vache et bœuf, bovins fidèles, beuglent et meuglent ; l'agneau bêle tandis que la buse miaule (pas uniquement lorsqu'elle rencontre à la pleine lune un 29 février un chat qui lui ressemble). S'il vous arrive, par le plus grand des malheurs, d'aimer les verbes qui ont de douces consonnes, vous appréciez que la bécassine croule⁽¹⁾, que le canard cancane, que la cigogne claquette ou craque⁽²⁾.

Profitons-en pour découvrir deux oiseaux plutôt sympathiques, le pipit farlouse⁽³⁾ et le courlis.

Tous deux ont la particularité de turluter, mais le courlis⁽⁴⁾ peut beugler si vous l'ennuyez, et siffler lorsque le printemps revient. Continuons notre tour d'horizon d'animaux exotiques. La mouche, la guêpe et l'abeille, en plus de vrombir comme de vieux moteurs de 2CV, bourdonneront à votre oreille, au plus grand dam de votre oncle Robert qui découvre sur Arte que les chameaux blatèrent et que Sepp Blatter déblatère sur les blattes, et qui n'a cessé de vous répéter que ces insectes méritaient une mort par inflammation.

Mais plutôt que de vous lamenter, tel un crocodile déchu qui jouerait à la belote avec les belettes qui belottent pour passer le temps, sachez que le lamantin chante comme la baleine, se mêlant aux sifflements des dauphins dauphinois⁽⁵⁾. Attention toutefois. L'otarie, l'ours, le chien, le cochon, l'hippopotame, le lion, le loup et le phoque ont assez de cordes vocales pour grogner et assez de dents pour vous mordre. Peut-être que les stridents stridulements de la sauterelle sauraient gêner ces mammifères potentiellement dangereux.

Enfin, on ne se trompera plus sur les verbes glapir et clapir. Si le lapin clapit, l'épervier et le faisan glapissent, et on doit avouer que le geai leur va mieux…

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1. ⁽¹⁾ ↑ Pas sous les dettes, heureusement.
2. ⁽²⁾ ↑ Espérons que non, car imaginez ces porteuses d'enfants craquer en plein vol ! Il y aurait beaucoup de blessés.
3. ⁽³⁾ ↑ L'oiseau vivant en Europe et en Asie, on ne saurait dire de quel patois immonde peut bien venir cette dénomination.
4. ⁽⁴⁾ ↑ Quel joli nom, n'est-ce pas ? Un adorable mélange de coulis à la framboise et de mâchicoulis rougissant sous les tropiques jaunissantes.
5. ⁽⁵⁾ ↑ Nombre de personnes pourraient ici voir un quelconque rapport avec un gratin, mais ce serait en rajouter une couche pour pas grand-chose au final.