Sur les origines du livre
Quelle est l'histoire du livre ?
Le livre que nous connaissons n'a plus grand-chose à voir avec ce qu'il était avant, et même au moment de l'apparition de l'imprimerie. Voici quelques anecdotes à son sujet.
Pour commencer, pendant des siècles le livre n'eut même pas de « pages ». Le mot « volume » – du latin volvere, « rouler » – désignait par exemple à l'origine les manuscrits en rouleaux.
Dans l'Égypte ancienne, les feuilles servant à écrire étaient fabriquées à partir du papyrus, d'où le « papier » que nous utilisons aujourd'hui. Le roseau qui poussait dans le delta du Nil fut appelé byblos, d'après le port du même nom, d'où la « Bible ». Il existait plusieurs qualités de papyrus, selon que l'on utilise des feuillets issus des couches les plus profondes ou externes de la tige. Le cœur étant plus « noble », il donnait les feuillets les plus fins, là où l'écorce ne donnait que des feuilles plus grossières.
Lorsque le roi Eumène II (197-159 av. J.-C.) ne fut plus fourni en feuilles de papyrus, il fit concevoir le « parchemin », obtenu à l'origine à partir d'une peau de mouton ou de chèvre, qui était étirée puis lissée. Grâce à cette invention, sur laquelle on pouvait écrire des deux côtés, les feuillets n'étaient plus collés à la suite, ni enroulés sur eux-mêmes : ils furent assemblés avec un codex, un petit bout de bois enduit de cire qui les réunissait, comme le « calepin » dont il a inspiré l'appellation. Plus tard, les feuillets seront cousus.
Le rouleau avait de nombreux inconvénients : le lecteur devait par exemple dérouler le manuscrit au fur et à mesure de sa lecture. Vers le IIe siècle avant J.-C., le rouleau moyen mesurait 12 m, certains allant même jusqu'à 45 m !
L'enroulement et le déroulement participaient bien sûr à la détérioration du rouleau, et le nom de l'auteur était moins souvent mentionné que celui du copiste, ce qui changera bien sûr avec l'arrivée des gros tirages de l'imprimerie. Il faut imaginer aussi que puisque le texte se déroulait littéralement sous les yeux du lecteur, il n'y avait pas « plusieurs pages », donc pas de numéros de pages, en général pas de titre, donc pas de chapitres, et donc pas d'index ou de table des matières ! Or un rouleau correspondait à peu près à 200 pages…
On explique ainsi que, dans la littérature ancienne, l'on trouve tant de citations imprécises, changeantes, voire fausses. Il était trop difficile, physiquement et intellectuellement, de les retrouver précisément pour les citer autrement que de mémoire…
Avec le codex – plus durable et plus facile à ranger – apparaissent la page de titre, la pagination, la table des matières et l'index. Mais au Moyen Âge la plupart des livres étant en latin, ils perpétuaient la culture latine… Si vous avez déjà lu Astérix, vous vous rappelez qu'en latin il n'y a que des majuscules, notamment les chiffres. Il se trouve aussi que les mots ne sont pas toujours séparés par des espaces, ni les phrases par des points ou des virgules ! La ponctuation apparaîtra en fait avec l'imprimerie et le passage du latin aux langues dites « vernaculaires » (du latin vernaculus pour indigène, domestique), c'est-à-dire toutes les langues locales.
Mais l'apparition du livre mit en danger la profession de copiste, laquelle disparut en effet progressivement. Avant la fin du XVe siècle, les livres survivaient parce qu'ils étaient copiés ; et au temps de l'imprimerie, les moines n'étaient plus les seuls à les reproduire. C'est pourquoi les copistes accusèrent les livres « d'envahir les villes ».
L'imprimerie permit également de diminuer la taille des caractères et donc d'inclure plus de texte sur une même page ; la taille des livres traditionnels diminua de fait. L'italique naquit pour rendre la lecture plus agréable : on créa pour cela les minuscules, lesquelles mirent fin aux caractères romains majuscules.
La communauté des lettrés craignit à l'époque que la popularisation du livre n'entraîne une banalisation du savoir. Vue d'aujourd'hui, cette anecdote n'est-elle pas surprenante ? C'est pourquoi on rappelait que « quantité n'est pas qualité », ou que « le livre rend l'homme moins studieux » : l'imprimerie était même, pour les copistes, une prostituée…