Compagnie, comptez-vous !
I, II, III… IIII ou IV ?

Voilà une question intéressante ! Quelle écriture est correcte ? En fait, à l'époque romaine, on pouvait utiliser indifféremment les deux écritures(1). Ce n'est qu'au XVe siècle que la tradition consacra le IV… sauf sur les cadrans d'horloge (d'où le nom de quatre d'horloger donné à la graphie IIII).

La question est donc : pourquoi cette ségrégation des horlogers ?

Une horloge avec un quatre d'horloger

D'abord, pour éviter les confusions. En effet, le quatre est placé en bas à droite sur une horloge, et comme toutes les lettres sont centrées vers l'intérieur, le IV risquerait de se lire… VI, soit 6 ! Autrement dit, on se retrouve avec deux formes proches réparties symétriquement autour du cinq. Même si tout le monde sait pertinemment que le six est en bas de l'horloge, des confusions peuvent se produire et on a donc préféré la forme IIII.

Deuxième argument : l'esthétique. L'usage du IIII permet à la fois de séparer le cadran en plusieurs zones régulières graphiquement proches (de I à IIII, de V à VIII et de IX à XII) et aussi d'alourdir artificiellement le côté gauche, qui fait vide sinon face à la profusion de symboles à droite (les V et les X). Enfin, le IIII contrebalance le pataud VIII juste en face et apporte encore une fois un meilleur équilibre (toutes les autres heures sont équilibrées symétriquement : XI avec le I, IX avec III, etc.). L'excuse de la symétrie explique aussi pourquoi le neuf est représenté IX et non VIIII (comme cela semblerait logique) : c'est pour mieux balancer le III en face.

Troisième argument, le côté pratique. Si l'on compte le nombre de symboles d'une horloge, on trouve vingt I, quatre V et quatre X. Il suffit alors d'utiliser quatre fois un moule qui ne comporte que cinq I, un V et un X pour obtenir toutes les lettres(2). Cet argument est malheureusement mis à mal par certaines horloges dont le cadran est en un seul bloc…

Notons enfin qu'il ne s'agit pas d'une tradition immuable ; Big Ben par exemple a préféré la forme IV. Qui a dit que les Anglais étaient des déséquilibrés ?


  1. (1) Notons cependant que IV servait aussi d'abréviation à Jupiter que l'on écrivait IVPITER, et que certains préféraient l'éviter pour ne pas avoir à compter un, deux, trois, dieu, cinq.
  2. (2) Premier moulage : V, IIII, IX, second moulage : VI, II, XII, troisième moulage : VII, III, X et quatrième et dernier moulage : VIII, I, XI.