S'il y a un roi injustement méconnu, c'est bien Louis VIII, surnommé le Lion. Il est vrai qu'il n'a pas eu l'occasion de régner bien longtemps, le pauvre : sacré roi en 1223, il meurt en 1226… Une période bien courte pour marquer les esprits et inscrire son nom au Panthéon des Grands Rois de France ! Sans compter qu'il est éclipsé par la renommée de son père, le grand Philippe Auguste (43 ans de règne), et de son fils, le célébrissime Saint-Louis (43 ans de règne également) !
Pourtant, ses 3 années de règne sont très actives et il mène deux campagnes victorieuses : la première contre ces salauds d'Anglais qui occupent la Guyenne : Louis VIII parvient à redonner à la France une grande partie de l'Aquitaine. C'est d'ailleurs lui, alors que son père est encore sur le trône, qui s'est illustré lors de la bataille de la Roche-aux-Moines, une bataille décisive qui a contribué grandement à la victoire de Bouvines en juillet 1214. Son surnom de Lion, Louis VIII ne l'a donc pas volé !

Couronnement de Louis VIII Le Lion

Sa seconde campagne a lieu dans le pays cathare. Nous sommes en pleine Croisade des Albigeois (1208 – 1229) et Louis VIII, à la tête d'une armée forte de plusieurs dizaines de milliers de soldats, commence un siège autour de la ville d'Avignon, une ville aux mains de Raymond VII de Toulouse dont la puissance et l'influence dans le Sud-Ouest de la France inquiète le pouvoir royal. Il faudra seulement 3 mois pour que la ville d'Avignon se rende, aussitôt suivie par les villes de Nîmes et de Carcassonne.
Sur le chemin du retour vers Paris, Louis VIII tombe malheureusement malade à Montpensier, en Auvergne. Fièvre et fortes diarrhées : ses symptômes ressemblent fortement à la dysenterie, une maladie courante à l'époque et qui est justement en train de décimer son armée. Après plusieurs jours passés au lit, Louis VIII commence sérieusement à délirer et à tenir des propos incohérents, ce qui intrigue fortement ses médecins. Se pourrait-il qu'il ne soit pas atteint d'une simple dysenterie mais d'un mal plus étrange ? Certaines mauvaises langues évoquent déjà la possibilité d'un empoisonnement. À moins que cette maladie ne soit due à la trop grande fidélité du roi envers son épouse, Blanche de Castille ? Cela peut paraître surprenant aujourd'hui, mais l'activité sexuelle et les nombreuses maîtresses d'un monarque sont considérées à l'époque comme le gage d'une santé robuste. Les médecins en sont persuadés : les longs mois d'abstinence de Louis VIII durant le siège d'Avignon ont très certainement déréglé sa santé !
– Un roi fidèle à son épouse, franchement, de mémoire d'homme, on n'a jamais vu ça ! Faut pas s'étonner, après, si ce con tombe malade !

Forts de ce raisonnement, les médecins glissent une jeune vierge dans le lit du monarque. Ils en sont sûrs : il suffit au roi de trousser cette belle demoiselle pour retrouver du poil de la bête. Malgré les supplications de ses médecins, Louis VIII reste ferme et refuse obstinément de s'adonner aux plaisirs de la chair. Il préfère encore mourir que de brûler en Enfer pour avoir commis le pêché mortel d'adultère !

La mort de Louis VIII, qui aime mieux mourir que de sauver sa vie par un pêché mortel (François Boucher, 1721)
– Non, mais Louis, tu fais chier, là. Y'a bien écrit « Tu ne tueras point », dans la Bible, non ?
– Ben oui.
– Et pourtant t'as buté à tour de bras, non ? Donc si on suit ton raisonnement, t'iras en Enfer, de toute façon !
– Ah non, mais là, c'est pas pareil ! C'était des Anglais, ça compte pas !
– Et en Avignon, c'était des Anglais, peut-être ?
– Je sens que je vais pas tarder à tuer quelqu'un d'autre, là tout de suite, si tu continues à me faire chier.
– Bon, bon… Pour ce que j'en dis, moi…

En bon catholique, il n'est l'homme que d'une seule femme, et cette femme, c'est Blanche de Castille. Un point c'est tout ! Obstiné, il meurt le 8 novembre 1226, laissant sa place sur le trône à son fils Louis IX qui restera gravé dans l'Histoire sous le titre de Saint-Louis… À croire que la bigoterie est héréditaire !