Viatcheslav Mikhaïlovitch Molotov (prononcez Вячеслав Михайлович Молотов) est un brave homme qui eut le bon goût d'être le ministre des Affaires étrangères soviétiques pendant la Seconde Guerre mondiale. Fidèle ami de Staline, il chutera d'ailleurs à la mort du petit père, vaincu par Krouchtchev.

Mais n'allons pas trop vite en besogne ; revenons à la guerre. Nous sommes en 1939, et l'Union Soviétique décide d'envahir la Finlande (soi-disant pour les aider, mais nous connaissons tous la mauvaise foi que peut avoir un Russe de l'époque). La Société des Nations, aussi utile alors qu'aujourd'hui, condamne l'invasion et radie l'URSS, ce qui n'a strictement aucun effet, puisque ce qui restera connu comme la Guerre d'Hiver continue.

Cependant, les Russes n'arrivent pas à avancer ; rapidement, ils sont contraints de prendre des mesures un peu plus expéditives afin de pouvoir aider cette pauvre Finlande qui refuse leur généreux support (note pour le lecteur borné : ce propos est ironique). Et voilà donc les avions qui bombardent troupes et fortifications au RRAB-3, la « bombe aérienne à rotation dispersante », larguant sur son passage une multitude de petites charges.

C'est la guerre, me direz-vous. Oui, mais voilà ! Molotov, interrogé à la radio – ustensile qui commence tout juste à se démocratiser – affirme que les avions ne bombardent pas, mais larguent de la nourriture pour la population affamée. Les Finlandais font contre mauvaise fortune bon gré, et l'expression devient une blague : « tiens, voilà les paniers pique-nique de Molotov ! »

Mais la nourriture seule est trop sèche : les Finlandais décident que puisque les Russes fournissent le plat, ils peuvent bien amener la boisson. Pendant la guerre d'Espagne, on avait justement inventé un ingénieux dispositif consistant à enflammer un torchon autour d'une bouteille remplie de liquide inflammable : une fois la bouteille fracassée, le feu se répandait du tissu au contenu de la bouteille, créant une minibombe capable de faire fondre certains métaux et d'arrêter un tank.
Les Finlandais récupèrent le concept, qui avait l'avantage d'être simple (un crétin peut en fabriquer, et encore aujourd'hui les crétins les fabriquent) et économique. Ayant goûté à l'ironie (et aux paniers pique-nique), ils nommèrent leur trouvaille le cocktail Molotov. Le nom est resté, même si les compositions diffèrent : les plus basiques se composent d'une simple bouteille d'alcool, les plus complexes incorporent des dispositifs d'auto-allumages (capsules d'acide sulfurique par exemple) et des substances plus ou moins légales (goudron, acide) pour aider à rendre n'importe quoi inflammable. Et croyez-le, tout brûle. Le concept est le même pour la bombe à napalm, elle aussi tristement connue, mais pour des faits plus militaires.

De nos jours encore, le cocktail est l'ingrédient idéal pour tout apprenti révolutionnaire ou manifestant un peu hargneux. Pourquoi se fatiguer à réfléchir et à inventer de nouvelles armes ? La manifestation est déjà une tâche qui remplit les capacités mentales du marcheur.