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Je vous parlais il y a quelques temps d'héraldique et de blason. En conclusion j'évoquais les problématiques liées à l'héritage des blasons. Comme je ne suis pas de ceux qui vous laissent sur votre faim, je reviens vers vous compléter et préciser mes propos.

Dans la période médiévale, les armoiries ne se transmettent théoriquement que du père à l'aîné de la famille, tous les autres membres de la famille doivent y apporter une légère modification appelée « brisure » afin de distinguer aînés, cadets ou bâtards. Alors qu'il existe beaucoup de règles strictes pour construire un blason, il n'existe pas ou peu de règles pour briser un blason si ce n'est les règles des blasons elles mêmes. On retiendra que les brisures les plus pratiquées sont :

  • La diminution de pièces honorables.
  • Le changement de couleur d'un élément important.
  • L'ajout d'une pièce de second ordre ou d'un meuble.

La diminution des pièces honorables comme son nom l'indique consiste à reprendre le blason initial et à remplacer une pièce honorable par une autre similaire mais réduite comme par exemble une fasce par une burèle ou une bande par une cotice. (Exemple en Fig. 5)

Le changement de couleurs ou changement d'émaux est lui aussi facile à comprendre. Il est possible d'invertir l'émail du meuble avec l'émail du fond mais cela ne peut se faire qu'une fois. C'est pourquoi il est aussi simple de ne changer qu'une seule couleur.

Brisure par changement d'émaux
Fig. 1 – Blasons brisés par changement d'émaux

Notons que, du vivant du père, un aîné doit lui aussi briser ses armoiries. Il ne peut porter le blason de son père qu'une fois ce dernier mort. Cela explique pourquoi la figure présente un blason pour l'aîné alors qu'on s'attendait à ce que l'aîné porte le blason de son père.

L'ajout de meubles ou de pièces de second ordre est aussi très courant et simple à comprendre. Généralement ces meubles ne sont pas ajoutés au hasard et on choisira par exemple d'ajouter un meuble issu du blason de sa mère par exemple. Cependant on retrouve fréquemment des lambel ou des pièces honorables branchant sur le reste du blason.

Blasons brisés par ajout de meuble ou de pièces secondaires
Fig. 2 – Blasons brisés par ajout de meubles ou de pièces secondaires

Un blason « brisé » se lit en ignorant d'abord la brisure, puis en terminant par « brisé de… ». Ainsi à gauche nous avons d'azur aux trois fleurs de lys d'or brisé en chef d'un lambel d'argent et à droite d'azur aux trois fleurs de lys d'or, au chef un lambel d'argent à trois pendants et brisé d'une barre d'argent brochant sur le tout. Ces deux blasons ont appartenu respectivement à Louis duc d'Orléans, frère de Charles VI (1372-1407) et Jean d'Orléans, comte de Dunois, fils illégitime de Louis d'Orléans (1402-1468)(1). On retiendra que la barre est généralement un symbole de bâtardise.

C'est ainsi que les spécialistes peuvent remonter parfois les arbres généalogiques lointains. Cela est surtout vrai pour les grandes familles nobles. C'est ainsi qu'on retrouve Philippe d'Orléans (1396-1420), comte de Vertus, fils légitime de Louis d'Orléans avec un blason d'azur à trois fleurs de lys d'or, au chef un lambel d'argent à trois pendants, le pendant central chargé d'une lune de gueules pour brisure(2) et Jean d'Orléans (1400-1467), comte d'Angoulême, fils légitime(3) de Louis d'Orléans avec un blason d'azur à trois fleurs de lys d'or, au chef un lambel d'argent à trois pendants, chaque pendant chargé d'une lune de gueules.

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Fig. 3 – Blason de Philippe d'Orléans, comte de Vertus, fils de Louis d'Orléans

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Fig. 4 – Blason de Jean d'Orléans (1400-1467), comte d'Angoulême, fils de Louis d'Orléans

Pour l'anecdote on a aussi un blason d'azur à trois fleurs de lys d'or brisé en chef d'un lambel à trois pendants d'argent et en cœur d'un bâton de même péri en barre appartenant aux descendants légitimes du fils illégitime de Louis d'Orléans (Fig. 3) et ça se voit ! En effet le symbole de bâtardise est diminué, de la barre on passe au bâton. Faut il en conclure qu'avec les générations et le temps on est de moins en moins bâtard ?

Blasons brisés par ajout de meuble ou de pièces secondaires
Fig. 5 – Blason des comtes de Longueville

Bien sûr la généalogie fondée sur les armoiries n'est pas une science exacte puisque l'héritage ne suit pas de règles strictes et que chacun fait ce qu'il veut. Cependant cela peut donner des pistes.


  1. (1) Essayez de le retenir le temps de l'article ça resservira. Après c'est moins important.
  2. (2) La règle disant qu'il faut blasonner en disant « brisé de… » n'est pas très claire et on trouve aussi cette notation. D'ailleurs la plupart du temps on ne trouve rien du tout. Allez savoir…
  3. (3) Ce n'est donc pas le même que celui cité plus haut. je vous avais demandé de retenir.