Mourir et re-mourir
Que dit le droit si on tente d'assassiner une personne qui est déjà morte ?
Juriste confirmé ou non, tout un chacun connaît, voire pressent, la longue liste des crimes, délits et contraventions qui peuvent être retenus contre tout malfaisant.
Mais tous ne maîtrisent pas la subtile gestion de la tentative, surtout lorsque cette dernière est dite « impossible ».
Leçon de base (on vous fait grâce des articles du Code de Procédure Pénale…) :
La tentative est constituée dès lors que, manifestée par un commencement d'exécution, elle n'a été suspendue ou n'a manqué son effet qu'en raison de circonstances indépendantes de la volonté de son auteur
. À l'opposé, il n'y a donc pas tentative si l'interruption est volontaire, avant même la réalisation de l'infraction.
Si l'interruption n'est pas volontaire, et quelle qu'en soit la cause (arrivée de la police, alarme…), l'infraction est constituée.
Plus subtil est le cas de l'infraction impossible ! Peut-on poursuivre pour meurtre l'auteur qui tue… un cadavre, le pensant encore vivant ?
Faut-il prétendre que l'absence d'atteinte à l'ordre social ne justifie pas de sanction ? Ou bien ne faut-il que tenir compte du caractère criminel ou délictuel du fait de l'auteur qui entendait bien effectivement porter atteinte à l'ordre juridique ?
Certains (rares) cas ne prêtent pas à l'équivoque, les choses étant clairement précisées ; ainsi l'empoisonnement n'est-il punissable que si sont utilisées des « substances qui peuvent donner la mort et quelles qu'en aient été les suites ».
La jurisprudence a donc dû résoudre la question pour les nombreux autres cas « d'infractions impossibles ». Non punissable dans les premières décisions des juridictions pénales du XIXe, les décisions de la chambre criminelle de la Cour de Cassation, plus haute juridiction pénale, ou des chambres d'accusation des Cours d'Appel, ont ensuite subtilement évolué. Et la Jurisprudence est une source de Loi parmi d'autres…
Il a d'abord été distingué l'impossibilité absolue et l'impossibilité relative.
Puis les choses se clarifient.
L'arrêt de la Cour d'Appel de Paris du 8 avril 1946 est amené à trancher de l'épineuse question du père et du fils qui tirent sur une victime. L'enquête établit que le coup de feu du père avait déjà tué la pauvre victime avant même que la balle du fils ne tende à la même besogne. Puisque la victime avait déjà été tuée par le coup de feu du père, peut-on sanctionner le fils ? Père et fils seront tous deux condamnés pour meurtre.
Nombre décisions viendront par la suite confirmer cette pragmatique vision des choses.
Ainsi, « crime impossible » n'est pas français !