La modélisation est un ensemble d'activités destinées à produire des modèles.
Cette notion est très vaste, puisque qu'il s'agit tout simplement de trouver un moyen de répondre à une interrogation qu'on se pose sur « quelque chose » en se basant sur « autre chose »… Par exemple, on va répondre à une question concernant la vitesse d'un train en se basant sur des équations mathématiques plutôt qu'en mesurant la vitesse réelle du train.
C'est pratique quand le train n'existe pas encore !

La modélisation est l'instrument de divination industrielle par excellence. C'est elle qui permet de se projeter dans le futur, pour « voir » comment réagira notre train avant même que le premier rail ne soit posé. C'est aussi par la modélisation qu'on pourra prédire les futures performances technico-économiques de notre train.
Il s'agit une activité intellectuelle multiforme : dans certains cas, elle se limite à tracer des boîtes et des flèches, dans d'autres, elle fait aligner des kilomètres d'équations… On trouve également toute une palette de modélisations physiques, dont des formes en bois ou en plâtre, autrefois utilisées pour prédire le comportement de structures roulantes ou volantes.

Lors de cette transposition du réel dans des symboles, il faut s'assurer que les modèles sont justes et fidèles. Si les modèles ne le sont pas, on court le risque que la réponse obtenue sur le modèle soit différente de celle qui aurait été obtenue sur la réalité.

  • La justesse s'apprécie dans le rapport entre le modèle et le réel…
  • La fidélité s'apprécie dans sa capacité à répondre à la question.

Ainsi, un modèle de train où le coefficient de pénétration dans l'air est faux donnera une prédiction de vitesse fausse. Si la forme du train du modèle est différente de celle du train réel, alors le modèle n'est pas juste. Si le modèle est mécaniquement juste mais qu'on oublie de faire entrer la résistance de l'air dans le calcul, alors le modèle ne sera pas fidèle.

Justesse et fidélité vont-ils toujours de pair ?

Un petit exemple pour s'amuser (et comprendre) : le modèle de l'Univers dit « de Ptolémée », hérité des grecs, organisait le système solaire selon notre perception évidente : la Terre au centre, autour de laquelle des planètes, la Lune et le Soleil tournent. Pour expliquer certains mouvements de « recul » des planètes, on y a ajouté de nouveaux cercles, les épicycles…

Copernic a eu l'intuition que cette disposition des astres n'était pas bonne car elle n'explique pas tout et ne répond pas à de nombreuses questions. Ainsi, il trouve une autre organisation : le Soleil au centre et les planètes qui gravitent autour, avec la Lune tournant autour de la Terre(1).

Le système de Copernic est plus juste que celui de Ptolemée. Il est beaucoup plus proche de la réalité. Mais Copernic a pris une décision fatale dans la construction de son modèle : les orbites des planètes ayant été tracées par Dieu lui-même, elles ne pouvaient être que circulaires !

Cette hypothèse ne sera invalidée que plusieurs dizaines d'années plus tard, par le génial mathématicien Kepler.

Mais en attendant, le système de Ptolémée donne de bien meilleurs résultats pour prédire la position des planètes que le système de Copernic « pré-Kepler ».

Ainsi, un système plus juste peut être moins fidèle, de même qu'une montre arrêtée donne l'heure juste deux fois par jour, au contraire d'une montre qui retarde d'une minute et ne donne donc jamais l'heure juste…


  1. (1) Au-delà du septième cercle des planètes, Ptolémée plaçait ce qui peut exister de plus pur et de plus noble : la musique et les harmonies, qui disparaissent dans le modèle de Copernic. On ajoutera donc, à titre purement personnel, qu'un modèle peut être plus beau qu'un autre.