Three Mile Island, vanne ouverte ou fermée
Three Mile Island, ou la catastrophe nucléaire maitrisée de justesse.
28 mars 1979, le réacteur TMI-2 (TMI pour Three Mile Island, sur la rivière Susquehana, en Pennsylvanie) fonctionne depuis quelques mois. Il est du type PWR, à eau pressurisée – comme la majorité de ceux en service aujourd'hui en France – l'eau servant à la fois à réguler la réaction, à refroidir le cœur et à transmettre la chaleur pour actionner turbines et alternateurs. Ce cœur est exceptionnellement petit (comparé à un RBMK comme Tchernobyl par exemple) et concentré dans un PWR : c'est l'équivalent d'une chaudière brûlant 4 tonnes de fioul par seconde dans quelques dizaines de mètres cubes, englobés dans un cylindre d'acier.
À l'origine de l'accident ? Une opération de maintenance de routine, en dehors de l'enceinte du réacteur et du circuit primaire qui l'arrose. On ne prend pas de précautions particulières, étant en dehors de la zone radioactive et l'opération n'ayant pas d'incidence directe sur la sécurité. Sauf que pour la réaliser, il faut utiliser un circuit d'air comprimé qui, pour le coup, se met à dysfonctionner. Or il a d'autres fonctions, en particulier celle d'actionner un certain nombre de vannes. À 4h18, c'est la panne : une de ces vannes va rester ouverte alors qu'elle devrait être fermée. Le circuit secondaire, extérieur, ne refroidit plus le circuit primaire, qui se trouve en contact avec le cœur : c'est la surchauffe. La température dépasse alors la limite mesurable par les instruments en place.
Dans la salle de contrôle, c'est l'affolement : des dizaines de clignotants s'allument, sans permettre de vraiment comprendre ce qui se passe. La vanne ouverte est donnée comme fermée par l'indicateur correspondant : un robot l'a automatiquement refermée, ou plutôt il en a envoyé l'ordre… en même temps qu'il indiquait sur les écrans qu'elle était close. Mais à cause de la déficience du circuit d'air comprimé, elle reste ouverte et l'eau continue à s'échapper sans être renouvelée. Un dispositif de sécurité est prévu, mais d'autres vannes sont, au contraire, intempestivement fermées : bref, c'est la panique.
Vers 6h30, le cœur du réacteur se met à fondre, il se forme alors une bulle d'hydrogène à haute température et haute pression d'une trentaine de mètres cube. Les réactions chimiques induites par la chaleur y ajoutent de l'oxygène, et on tend peu à peu vers la proportion qui rend ce mélange explosif – l'enceinte n'y résisterait pas. On prépare rapidement l'évacuation totale des villes voisines, et des dizaines de milliers de personnes n'attendront pas la confirmation de l'ordre pour partir.
Par chance, un opérateur de la centrale voisine, appelé à la rescousse, a compris le problème de la vanne fautive et a fait actionner une vanne de secours. Le refroidissement peut reprendre, la température et la pression diminuent peu à peu.
Le réacteur est définitivement hors d'usage et une quantité non négligeable d'éléments radioactifs est rejetée dans l'environnement. Le président Carter visite les lieux le 1er avril.
Un rapport officiel d'enquête, rendu le 30 octobre suivant, disculpe les opérateurs. Il incrimine en revanche la complexité des tableaux de commande, et bien sûr, la question de la vanne : on relève des négligences dans l'entretien. Par contre, on est singulièrement optimiste sur l'état réel du cœur, estimant qu'il n'a pas pu fondre massivement – il faut pour cela 2 880 ℃ – mais quand on pourra l'explorer (avec des robots, et pas avant 1985), on se rendra compte que la moitié de l'oxyde d'uranium enrichi a fondu ! La même année, le réacteur jumeau TMI-1 a pu être remis en service, après six années de vérifications, de mises à niveau, et de procédures exigées par les riverains inquiets.