Les paroles de la Marseillaise à la loupe
Que signifient les paroles de la Marseillaise ?
Le lecteur averti qui se penchera sur les paroles de La Marseillaise, cet hymne national faisant la fierté de la nation française, y trouvera quelques anomalies croustillantes… Qui plus est, point besoin d'aller fouiller dans les obscurs couplets qui composent ce long chant patriotique et que personne ne connaît… les premiers vers suffiront !
Allons enfants de la Patrie,
Le jour de gloire est arrivé !
Contre nous de la tyrannie,
L'étendard sanglant est levé, (…)
Rien ne vous choque ? Rouget de Lisle, l'auteur des paroles, veut bien sûr dire : « L'étendard sanglant de la tyrannie est levé contre nous » (sinon, la phrase n'aurait aucun sens…). Mais, allez savoir pourquoi, il préfère s'exprimer à la façon d'un maître Yoda avant l'heure en mélangeant complètement tous les éléments de la phrase. Parler dans un français approximatif dans l'hymne national, c'est tout de même dommage, admettez-le ! D'ailleurs, faites l'expérience chez vous : demandez à un de vos proches comment il interprète le sens de ce couplet à la grammaire douteuse… vous aurez à coup sûr une réponse qui détourne complètement la pensée de l'auteur !
Passons aux deux vers suivants, si vous le voulez bien…
Entendez-vous dans les campagnes
Mugir ces féroces soldats ?
Mugir ? Sérieusement ? T'avais pas bu un ptit coup de pinard en trop, mon cher Rouget de Lisle ? Car que les choses soient bien claires… Dans un chant guerrier comme la Marseillaise, on s'attend à ce que des soldats rugissent comme des lions, pas qu'ils mugissent comme des bovins !
Viens maintenant le moment que vous attendiez tous (si, si) : LA phrase qui fait débat et pour laquelle deux camps s'affrontent férocement (certains allant même jusqu'à réclamer le changement pur et simple de l'hymne national) :
Qu'un sang impur
Abreuve nos sillons !
Un sang impur ? Ô mon Dieu, quelle horreur ! Notre hymne national est donc bêtement raciste ? La France, cette terre d'accueil historique, est donc en réalité le vivier d'une xénophobie écœurante ? Quelle horreur ! C'est décidé, je pars m'installer en Belgique !
Voilà, en substance, l'analyse dont certains commentateurs se livrent de façon, osons le mot, assez simpliste… car ce raisonnement est totalement anachronique ! Pour contrer cette propagande bien-pensante, certains osent affirmer que le « sang impur », sous la plume de Rouget de Lisle, ne représente absolument pas l'étranger mais au contraire celui du peuple de France. Le sang impur serait celui du monde paysan, par opposition à celui de la noblesse au sang pur, au sang bleu.
Et toc. Bien envoyé.
C'est bien tenté, mais c'est également totalement faux ! L'histoire qui se cache derrière la rédaction de la Marseillaise en témoigne : à l'origine, la Marseillaise a été écrite comme chant de guerre pour les armées partant en guerre contre l'Autriche (et s'appelait d'ailleurs Chant de guerre pour l'armée du Rhin). Qu'on se le dise, le sang impur cité dans le texte représente bien le sang de l'étranger (en l'occurrence de l'Autrichien). Mais attendez un peu avant de faire vos valises et de partir vous installer définitivement chez nos amis belges : il n'y a aucune notion de race ici comme dans l'acception moderne du terme ! Ceux qui y voient un racisme nauséabond connaissent bien mal le contexte de l'époque…
Pour détendre l'atmosphère, notons au sujet de ce couplet une anecdote qui ne manque pas de saveur. Lors de la révolution de 1848, le peuple français, peu instruit, braille à tue-tête le chant révolutionnaire. Mais la plupart, ne sachant ni lire ni écrire, apprennent les paroles « à l'oreille »… « Qu'un sang impur abreuve nos sillons » devient donc « Qu'un sang impur, la veuve des six lions ! »
Dans le même esprit, je ne résiste pas à l'envie de partager avec vous une anecdote qui nous vient de Guy Breton. Alors qu'un instituteur demande à ses élèves leur personnage historique préféré, les noms d'illustres héros fusent de toute part – Jules César, Alexandre, Hannibal, Napoléon, Jeanne d'Arc et j'en passe. Un enfant au fond de la classe lance un timide : « le soldat Séféro, M'sieur » ! L'instituteur, n'ayant jamais entendu parler de ce ce soldat au nom étrange, demande à l'élève d'approfondir.
« Ben oui, le soldat Séféro, quoi… » Et le voilà qui fredonne la Marseillaise : « Entendez-vous, dans nos campagnes, mugir Séféro, ce soldat »… Je ne sais pas si l'anecdote est véridique, mais elle est révélatrice en tout cas du fait que la Marseillaise est, encore aujourd'hui, un chant dont le sens réel est largement méconnu par le plus grand nombre !