On imagine souvent les parlements comme des assemblées de vieux barbons endormis, déclamant discours techniques et phrases accrocheuses. On ne serait pas loin de la réalité si, dans les faits, le parlement se réduisait à cela.

En effet, dans sa forme plénière, le parlement est un organe lourd, vaste, et pléthorique. Il n'est pas capable d'effectuer efficacement ses tâches(1), notamment lorsqu'elles sont ardues, ou techniques, ou enfin qu'elles requièrent une action immédiate.

Pour cela le parlement se divise en organes à vocation technique : les commissions parlementaires. Il existe plusieurs définition de celles-ci. Ou l'on se tient à la dénomination de chaque organe(2), ou l'on prend en compte les caractéristiques de l'organe. Pour le dernier cas, la doctrine(3) retient qu'une commission parlementaire représente tout organe constitué dans chaque chambre, composé généralement d'un nombre restreint de ses membres, choisis en raison d'une compétence présumée(4), et chargé de préparer le travail de la chambre, notamment en préparant des rapports. Cette définition est imparfaite car elle ne peut couvrir tous les types de commission, qui relèvent de chaque parlement, eu égard à son histoire et à sa pratique. Mais elle convient relativement pour une explication simplifiée.

Il existe deux modèles, toujours selon la doctrine, de commissions parlementaires : le modèle dit britannique et le modèle dit continental. Ce dernier, aussi appelé modèle français, repose sur des commissions permanentes et remonte à la constitution en Assemblée Nationale des États Généraux. Dès lors, il semble que
les comités permanents aient existé et aient grandi en pouvoir et en influence
jusqu'à détenir, sous la Convention, l'essentiel du pouvoir exécutif(5). En réaction à cela, la Constitution de l'an III qui institua le Directoire interdit la création de comités permanents. Cette tradition d'interdiction perdura jusqu'en 1902 quand la Troisième République en rétablit l'usage. Dans l'intervalle, la chambre utilisait des groupes de députés tirés au sort pour nommer des commissions spéciales pour chaque projet. En 1910 le hasard fut supprimé au profit de la
représentation proportionnelle des groupes. Les commissions permanentes
étaient alors puissantes et il se dit qu'en 1922 et 1925 elles engagèrent par leurs résolutions la responsabilité du gouvernement. La Quatrième République
maintint ce système, avec 19 commissions permanentes générales, reliées à des
domaines administratifs. La chambre, formation plénière ou plenum, pouvait
également créer des commissions spéciales notamment pour mener des
enquêtes parlementaires.
Le modèle britannique, trouve quant à lui son origine dès le XIVe siècle selon Ivo Rens, mais n'est détaillé qu'au XVIe. La chambre avait pour habitude, lorsqu'elle était saisie d'un projet, d'élire des petites commissions spéciales pour celui-ci, afin de l'étudier. Ces commissions comportaient alors des membres de la chambre favorables et défavorables au projet, ainsi que des membres de la chambre désignés par le monarque : les privy counsellors. À la fin du XVIe siècle, ces commissions se virent confier des projets connexes, et d'autres furent instituées pour traiter de problèmes généraux, tels que les affaires religieuses. Il existait donc deux types de commissions : spéciales et permanentes. Cependant, à la différence du système français, le système de commissions britannique est un système essentiellement subordonné au plenum et sans pouvoir propre, en témoigne le fait que l'examen préliminaire des projets de lois reposait sur le plenum, qui donnait une position de principe et des instructions aux commissions. Ce système est presque abandonné au XVIIIe siècle afin de lutter contre l'influence de la Couronne via les privy counsellors, au profit du système de commission de la chambre entière dit committee of the whole. La Chambre des Communes conserve toutefois le système pour l'examen des lois dites privées, c'est-à-dire concernant les intérêts particuliers de personnes, de groupements ou d'autorités locales, soumis à une procédure particulière. En raison de la lourdeur de la procédure du committee of the whole, Sir Thomas Erskine May(6) proposa en 1878 de créer des commissions composées d'un noyau permanent de membres et d'autres députés désignés lors de chaque projet. Ce système, fondant les standing committees fut adopté en 1882. Le système britannique est donc opposé au système continental en ce sens qu'il ne repose pas sur la permanence.

Voila qui devrait vous éclairer un peu, mesdames et messieurs, sur l'envers du parlement. Je vous dis à bientôt dans un nouvel article !


  1. (1) Celles-ci sont classiquement séparées en deux (mais la doctrine juridique, derrière Pierre Avril et Jean Gicquel, tend à considérer qu'elles ne forment qu'une seule activité) : l'activité de contrôle des pouvoirs publics et l'activité législative.
  2. (2) Commission parlementaire, groupe de travail, mission parlementaire…
  3. (3) Les auteurs en la matière sont Ivo Rens, lequel reprend la définition de Joseph Barthélémy, dans leurs œuvres respectives.
  4. (4) Mais dont on peut douter, dans les pratiques modernes.
  5. (5) Avec le fameux et terrible comité de Salut Public.
  6. (6) Célèbre constitutionnaliste britannique, 8 février 1815 – 17 mai 1886.

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