Salut à toi, lecteur toujours fidèle !
Salut à toi, lecteur occasionnel !
Salut à toi, lecteur qu'on dépucelle !
Salut à toi, quatrième rime en [Ɛl](1) !

Ah, qu'il est doux de déambuler au gré du vent pollué de la capitale, dans les rues enchanteresses de l'Hôtel-de-Ville et du Panthéon !

Les beaux jours revenus, je m'octroyais une sereine et bien méritée séance de relaxation à la terrasse d'un quelconque café, une bière fraîche posée devant moi, les confessions de Rousseau dans la main, n'attendant plus que ma chère et tendre compagne de sommier(2).

Ah ! La voilà qui arrive, primesautière et pimpante dans sa jolie robe à fleurs. Yves ne fit qu'une promenade(3), et me voilà à pérorer autour de la demoiselle :

« Madame, permettez que je vous enlève à ces quartiers infâme et vous fasse rêver de promenades en baguenaudages(4) ! Laissez-moi vous mener dans les ruelles du Temple, vous compter fleurette sur les quais du Panthéon, monter au plus haut de l'Observatoire, où les Muses ont leurs quartiers, et vous y déclamer les vers qui charmèrent Hélène ! Oui, ma mie, laissez-moi vous emmener à l'Opéra ! »

Sûr de ma verve et de mon allure avenante, j'attendais de la belle qu'elle succombe à cette proposition et que nous partions, sautillants, bras dessus bras dessous, vers les lendemains qui chantent et une promenade parisienne agréable. Mais non. Elle n'a rien pigé.

« Mais qu'est-ce que tu racontes ? Déjà, l'Opéra est fermé, alors je ne vois pas comment tu veux m'y emmener. Ensuite, où est-ce que t'as vu un observatoire ici, et c'est quoi cette histoire de muses ? Pis j'suis chrétienne, alors j'vois pas ce que j'irais faire dans un temple. »

Et, devant ma mine consternée, se permit d'ajouter : « Ben quoi ? ». Je calligraphiai alors une petite liste sur une serviette en papier, lui mis entre les mains et me levai, non sans lui dire ces quelques mots : « Mon cœur saigne, Pénélope, mais je ne puis continuer à vous fréquenter si vous faites montre d'autant de culture qu'un footballeur. Des gens se sont acharnés à rendre plus belle notre capitale, il n'est que justice que vous rendiez hommage à leur labeur en apprenant cette liste. Pour l'amour que vous me portez, je vous en conjure, instruisez-vous. Adieu, Barbara. ».

Ainsi la laissai-je, interdite, avec une liste de mots et l'addition, tandis que je partais vers le soleil couchant de ce matin d'été, le cœur lourd mais libre de croquer la prochaine ingénue que le Destin mettrait sur mon chemin(5).

Mais, j'imagine que vous vous demandez, lectorat chéri, la raison de mon ire et ce que contient cette liste. N'ayez crainte, je ne vous tiendrai pas plus longtemps en haleine.

Sachez que l'hétaïre antérieure m'a courroucé de par son ignorance des noms des arrondissements de Paris, tout simplement. Car oui, les arrondissements de Paris ont un nom, qui fut fixé par décret impérial qui plus est(6). Trêve de billevesées, cher lectorat, sous vos yeux ébahis, les noms des arrondissements !

  • Ier arrondissement : Le Louvre
  • IIème arrondissement : La Bourse
  • IIIème arrondissement : Le Temple
  • IVème arrondissement : L'Hôtel-de-Ville
  • Vème arrondissement : Le Panthéon
  • VIème arrondissement : Le Luxembourg
  • VIIème arrondissement : Le Palais-Bourbon
  • VIIIème arrondissement : L'Élysée
  • IXème arrondissement : L'Opéra
  • Xème arrondissement : L'Entrepôt(7)
  • XIème arrondissement : Popincourt
  • XIIème arrondissement : Reuilly
  • XIIIème arrondissement : Les Gobelins
  • XIVème arrondissement : L'Observatoire
  • XVème arrondissement : Vaugirard
  • XVIème arrondissement : Passy
  • XVIIème arrondissement : Les Batignolles-Monceau
  • XVIIIème arrondissement : La Butte-Montmartre
  • XIXème arrondissement : Les Buttes-Chaumont
  • XXème arrondissement : Ménilmontant

Voilà, lectorat adoré, encore une belle pièce de culture qui vous sera utile si d'aventure vous vous promenez dans les rues lutéciennes en bonne compagnie. Et si d'aucuns trouvent plus aisé de dire à leurs amis « On va dans l'huitième ? » que « Allons à l'Élysée, compagnons ! », je tiens à leur faire savoir que ce sont des cuistres.

  1. (1) ↑
    — Eh ! Réveille-toi ! Le v'là !
    — Hein ? Quoi ? De ?
    — Le v'là, j'te dis !
    — Qui ?
    — Ben, l'patron ! Il a pondu un pavé !
    — Qui qu'a pondu ?
    — Mais regarde ! Là ! Un article !
    — Bonté divine… Un authentique article… J'en suis tout retourné.
    — Ça va ?
    — M'faut un remontant.
    — Mescal ?
    — Muy bien !

  2. (2) ↑ Avec qui j'aime partager d'autres moment de détente que les acrobaties sur matelas.
  3. (3) ↑ Pouf pouf… Montand… mon sang ne fit qu'un tour.
  4. (4) ↑ L'infâme correcteur automatique souligne de son ignoble ligne bistournée ce mot charmant, ligne d'un rouge qu'il voudrait me faire monter au front afin que tous voient ma honte… Jamais ! entendez-vous ! jamais je ne corrigerai ce vocable au titre qu'il n'existe pas ! Aux armes, les damnés de la Terre ! Grâce à notre combat, un jour, nous pourrons nous adonner à de salvateurs baguenaudages !
  5. (5) ↑ Bon, je l'avoue, j'étais moi-même surpris de ma goujaterie. Mais bon, elle m'avait déjà présenté un jeune homme comme étant « le copain à sa sœur ».
  6. (6) ↑ Le 31 octobre 1859.
  7. (7) ↑ Le décret impérial le dénommait L'Enclos-Saint-Laurent, ce qui est plus joli. Il fut renommé aux termes de l'article R. 2 512-1 du Code général des collectivités territoriales, ce qui est dommage.