Regardez la dernière cérémonie d'ouverture des Jeux Olympiques, ou une discussion au Parlement Européen. Des dizaines de drapeaux flottent au vent, fiers représentants de la puissance et de l'esprit patriotique qui anime chaque pays.

Du vert, du bleu, du noir, du jaune, du rouge, du blanc…
Mais du violet ? Pas de violet. Jamais de violet.

Serait-ce dû à une superstition, un accident de l'histoire ? La raison est plus pragmatique : comme souvent, il s'agit tout simplement d'un problème de gros sous !

Avant l'ère industrielle, pour ajouter de la couleur à un vêtement (ou un drapeau), il fallait le teindre avec un pigment spécial. Certaines plantes, une fois transformées, fournissent une substance qui peut s'accrocher au vêtement : on les appelle plantes tinctoriales.
Mais le processus n'est pas facile : si toutes les couleurs (ou presque) sont dans la nature, toutes ne sont pas exploitables pour teindre de la laine !

Les rares plantes qui offrent cette capacité en portent d'ailleurs encore bien souvent la marque jusque dans leur nom : le Pastel des teinturiers est une plante qui pousse dans nos contrées et a longtemps teint en bleu nos vêtements ; la Garance des teinturiers fournissait, via ses racines, un colorant rouge.

Le processus de teinture était complexe (il fallait du temps, beaucoup de temps, pour blanchir le matériau initial : plusieurs mois dans un champ, exposé au soleil), puis différentes réactions chimiques qui permettait au colorant de s'incruster durablement dans la fibre. On me susurre dans l'oreillette que beaucoup d'urine humaine était utilisée dans le processus, mais ceci est une autre histoire…

Un bon teinturier, en faisant varier la quantité de pigment absorbée, pouvait affiner la teinte du vêtement.

De la laine teinte

Mais revenons à nos drapeaux, et au violet. Tout comme pour un vêtement, un drapeau doit être teint. Mais il se trouve que la seule méthode connue pour obtenir du violet est très peu industrialisable : il faut la bave d'un escargot qui ne vit que dans une toute petite section de la Méditeranée, et plus de 10 000 escargots sont nécessaires pour obtenir un seul gramme de pigment !
La substance coûtait trois fois son poids en or : converti, cela représente 150 000€ pour un kilo !

Au IIIe siècle, l'empereur Romain Aurélien interdit à sa femme d'acheter un châle violet qui coûtait plusieurs fois son poids en or !

À travers l'histoire, la couleur reste donc réservée aux classes dirigeantes de Rome, de la Perse, de l'Égypte ou aux hauts dignitaires religieux (en particulier pour le grand prêtre des juifs à Jérusalem)… et bien sûr, à Constantinople, nous en avons déjà parlé ici.

Impossible donc de teindre un drapeau en violet : cela coûterait beaucoup trop cher, et serait bien trop compliqué à produire.

Drapeau de la Seconde République espagnole

« TU MENS ! » me diront les plus érudits d'entre vous. « Le drapeau de la Seconde République espagnole a une bande de violet ! »
C'est exact. Après la révolution industrielle, les pigments synthétiques deviennent communs et permettent une grande variété de couleur : tous les drapeaux avec des teintes violettes ont été conçus après cette époque.

Quant aux petits malins qui se demandent pourquoi ne pas avoir simplement mélangé les teintures de rouge et bleu, c'est une bonne question ! Il semblerait que le résultat n'ait jamais été satisfaisant.