La pluie tombe dru, l'orage gronde, la foudre traverse le ciel, illuminant pendant quelques secondes le ciel noir ; quelques secondes plus tard, un bruit retentissant percute vos tympans, secouant murs, vitres et portes. Alors, comme le bon enfant que vous étiez, vous vous souvenez de votre grand-mère, qui vous racontait jadis que ces éclairs étaient liés à la colère divine.

Elle vous disait aussi, en grande pédagogue, qu'il était facile de savoir à quelle distance se trouvait l'impact de l'éclair ; pour ce faire, il fallait compter le nombre de secondes s'étant écoulé entre le moment où la foudre avait frappé et le moment où l'on avait entendu le bruit, puis de multiplier ce nombre par mille et de le diviser par trois pour obtenir une valeur en mètres.

Alors, dans votre chambre noire, plutôt que de dormir, vous mesurez les distances, selon cette règle mathématique que vous a enseignée grand-mère Catherine(1). La foudre vous éblouit. Vous comptez, une, deux, trois, quatre, cinq, six secondes. Le bruit se fait entendre pendant une petite seconde et disparaît, la pluie ne cessant toujours pas. Vous multipliez par mille et divisez par trois : deux mille mètres, soit deux kilomètres.

Cette règle marche-t-elle ? Vous ne vous posez pas la question, on ne remet pas en question ce que dit grand-mère Catherine.
Aujourd'hui, cependant, l'heure est venue de connaître la vérité. Pourquoi entend-on le tonnerre plusieurs secondes après le flash lumineux ? Pourquoi multiplier par mille et diviser par trois ?

Lorsque l'éclair traverse le ciel, il se déplace à la vitesse de la lumière, soit environ \(3 \times 10^8\) m. s-1(2). En percutant la terre à un temps \(t = 0\), l'éclair est visible. Mais qu'en est-il du son ? Le son est bien plus long que la lumière pour se déplacer, puisqu'il ne se déplace qu'à \(3,4 \times 10^2\) m. s-1(3).

Petit schéma pour résumer :

Schéma récapitulatif.

Considérons le nombre de secondes que vous avez comptées, et nommons-le \(n\). Nommons \(c\) la célérité du son(4).

Comparons donc nos deux calculs. Le premier, celui de grand-mère, nommé G. Le deuxième, celui qui s'effectue en réalité, nommé R :

\(G = n \times \frac{1000}{3}\)
\(R = n \times c = n \times 340\)

Qu'en déduit-on ?

\(3,4 \simeq \frac{10}{3}\)

\(340 \simeq \frac{1000}{3}\)

\(n \times 340 \simeq n \times \frac{1000}{3}\)

\(R \simeq G\)

Ainsi, grand-mère a presque raison ! On sait que \(\frac{10}{3} \simeq 3,33...\), on peut donc calculer un pourcentage de marge d'erreur :

\(\frac{3,4 - 3,33}{3,4} \times 100 \simeq 2 \)

2 % d'erreur ! Ce n'est pas mal, surtout que grand-mère Catherine n'y connait presque rien en physique. En plus, vous avez pu passer le temps grâce à sa méthode ! Et les méthodes qui permettent de ne pas s'ennuyer sont les meilleures.


  1. (1) Nom totalement fictif. Aucune Catherine n'a été maltraitée durant l'écriture de cet article.
  2. (2) Cette valeur est la vitesse de la lumière dans le vide, mais l'atmosphère ne réduit que de très peu ce nombre.
  3. (3) Soit un million de fois moins vite. Vous noterez d'ailleurs que l'on arrive à dépasser le mur du son, mais pas le « mur de la lumière ».
  4. (4) Je précisai, dans l'article sur la célérité de la lumière, que l'on pouvait parler pour celle-ci de célérité ou de lumière, car le phénomène lumineux est à la fois ondulatoire et matériel. Cependant, le son n'est qu'une onde, on doit donc parler de célérité.