Sunday bloody sunday
Petit récit de l'histoire irlandaise : les bloody sunday
Peut-être, grâce au titre de cet article, venez-vous de reconnaître l'une des chansons phare du groupe irlandais U2(1), traitant de l'un des évènements les plus marquants du XXe siècle en Irlande : le Bloody sunday. En vérité, en près d'un siècle de cohabitation entre les Anglais et les Irlandais, il n'y a pas eu qu'un seul évènement tragique : il va donc falloir présenter les deux Bloody Sunday !
Commençons donc par le premier, qui eut lieu le 21 novembre 1920.
L'Irlande, ancienne possession anglaise, décide de se déclarer indépendante en 1919. Mais la manière dont le Dáil Éireann (le Parlement irlandais) valide la décision ne pousse pas les Anglais à les prendre au sérieux : des mouvements de colère commencent à apparaître dans le pays et la guerre débute réellement avec l'assassinat de deux policiers britanniques par l'IRA(2). C'est le début d'une partie de cache-cache géante entre les deux camps, l'IRA étant soutenue par la population – par exemple, des conducteurs de train ne voulant pas embarquer des soldats anglais, ou des habitants qui refusent de payer un impôt britannique.
Perdant la face, les Anglais commencent à piller des villages, arrêtent des gens au hasard et en tuent certains pour « faire peur ». Finalement, une force paramilitaire sera créée : les Black and Tans(3), qui s'« amusent » encore plus que l'armée britannique. Les Auxiliaires, composés d'officiers spécialisés dans les guérillas, voient également le jour. Évidemment, les deux corps n'ont aucun ordre du gouvernement de brûler et piller tout ce qu'ils trouvent, mais bon, c'est pensé tellement fort qu'ils le comprennent ainsi(4). Mais on ne s'arrête pas là ! La guerre est définitivement ouverte lorsque le gouvernement britannique crée le Gang du Caire : dix-huit agents surentraînés flairant le nationaliste irlandais à des kilomètres à la ronde, épaulés par les Auxies (diminutif d'Auxiliaires).Finalement, on en arrive – « enfin ! » me semble soupirer le jeune homme dans le coin – au 21 novembre 1920. Ce jour là, des hommes de l'IRA tuent quinze membres du Gang du Caire ; en représailles, les Auxies décident d'aller se « détendre sur les Irlandais ». Il y a un match important de football gaélique à Croke Park : partant du principe qu'aucun Anglais sensé n'assiste à « cela », ils en déduisent par élimination que le stade sera rempli d'Irlandais. Ils tirent donc dans la foule, tuant quatorze personnes et en blessant soixante-cinq. Le 21 étant un dimanche, ce jour deviendra tristement célèbre sous le nom de Bloody Sunday (dimanche sanglant), premier du nom.
Vous suivez encore ? Non, vous devant, ne bâillez pas ! Maintenant que vous semblez un peu plus réveillés, parlons du second Bloody Sunday.
Nous voilà en 1972, toujours en Irlande. Cette fois, ce n'est plus tout à fait un problème Anglais vs. Irlandais, mais… Irlandais vs. Irlandais puisque l'opposition se fait entre les nationalistes irlandais (majoritairement catholiques), et les unionistes (plutôt protestants, qui prônaient un regroupement de tous les pays au sein du Royaume-Uni). Ces derniers « auraient bénéficié » du soutien de l'armée britannique (vu les tirs lors du second Bloody Sunday, le conditionnel est de trop !).
La NICRA, regroupant divers mouvements réclamant l'égalité pour tous les citoyens nord-irlandais, ainsi que la fin des discriminations des protestants envers les catholiques(5), est fondée en 1967. Énorme avantage, elle accueille n'importe qui : on passe des communistes aux républicains en faisait un détour par les nationalistes, le tout mélangeant allégrement les religions. Dangerosité de la NICRA ? Ses actions faisaient passer Gandhi pour un dangereux terroriste ! En effet, elle prône la non violence et n'utilise que les marches, les manifestations et le sit-in.
Revenons en à nos moutons, je sens que certains décrochent pour de bon… Le 30 janvier 1972, la NICRA décide de manifester pacifiquement à Londonderry (aussi appelé Derry) contre l'internement administratif(6), autorisé en 1971 par le Parlement. La manifestation dégénère et des parachutistes de l'armée britannique ouvrent le feu. Il existe actuellement deux versions de cette fusillade :
- D'après les Anglais, les parachutistes ont été attaqués et auraient riposté le plus naturellement du monde pour se protéger ;
- Pour les manifestants, les soldats se sont attaqués à eux car ils les savaient totalement désarmés, ce qui paraît logique au vu de l'idéal de la NICRA.
Toujours est-il que vingt-huit manifestants sont atteints par les balles anglaises et quatorze décèderont des suites de leurs blessures. Ce second Bloody Sunday conduit à une recrudescence des sympathisants de l'IRA, relançant de manière importante la guerre civile en Irlande qui ne s'achèvera qu'en 1998 avec la signature de l'« accord de Belfast », prévoyant, entre autres, le désarmement des branches armées des partis politiques…
- (1) ↑ Pourquoi un tel nom ? Les services de renseignement d'Omnilogie tentent encore d'élucider cette question.
- (2) ↑ L'Irish Republican Army est un ensemble d'organisations paramilitaires qui luttaient contre la présence anglaise sur le sol irlandais.
- (3) ↑ Ce nom vient de la couleur de leur uniforme, vert sombre et kaki.
- (4) ↑ Winston Churchill, alors ministre, refusera de demander aux Black and Tans de réfréner leurs actions !
- (5) ↑ Rappelons que le gouvernement en place est soutenu par les britanniques, donc plutôt protestant.
- (6) ↑ L'individu se retrouve totalement privé de liberté, prouvant ainsi l'utilité de la Déclaration universelle des Droits de l'Homme !