Avant de lire cet article, assurez-vous d'avoir lu l'épisode précédent !

Décider que le mètre sera la dix millionième partie du quart de la circonférence terrestre, c'est bien !

Mais comment connaître cette distance ? et faut-il vraiment toute la circonférence ? cela mérite réflexion !

Mesurer la circonférence de la terre ! Et puis quoi encore ?

Mesurer avec une chaîne d'arpenteur, par monts et par vaux, sur terre et sur mer, en creusant les montagnes… ce n'est pas pensable !

Et avec précision en plus…

Bon ! soyons sérieux.
D'abord, on ne « mesure » qu'un arc de méridien, le plus long possible. Grâce à la connaissance des latitudes des deux extrémités choisies, on saura à quel angle correspond cet arc et on en déduira la circonférence totale.

Ensuite, on mesure une longueur, une seule suffit, la plus longue possible bien horizontale et en ligne droite, avec l'unité dont on dispose, une toise ou plutôt des toises en métal qu'on pose avec soin bout à bout. Toutes les autres mesures seront des mesures d'angles !

Cercle répétiteur, de Borda, nouveau théodolite pour mesurer les angles.

La trigonométrie n'a pas de secrets pour vous ? tant mieux.
Sinon, vous savez que, dans un triangle, connaissant la longueur AB d'un côté et les angles situés aux deux sommets A et B aux extrémités de ce côté, vous n'aurez qu'un point C et le triangle ABC est ainsi unique(1). La trigonométrie permettra de calculer la longueur des deux autres côtés… On appelle cette méthode la triangulation.

Triangulation le long du méridien (une partie seulement)…

On mesurera donc, à l'aide d'un théodolite, et depuis un nouvel observatoire l'angle de visée entre les deux derniers points de repère précédemment examinés. Ces points de visée sont situés en hauteur (clochers, sommets…) et doivent permettre d'apercevoir les signaux émis des points déjà déterminés et des prochains…

On relèvera la latitude et la longitude de chaque lieu, on calculera l'altitude aussi… Sans oublier l'orientation par rapport à la verticale, le zénith, et par rapport au Nord, c'est-à dire l'azimut, pour chaque visée… (dans les documents, le terme milieu désigne ce que nous appelons la moyenne)

Ne pas perdre la Nord ! viser l'étoile polaire et corriger…

On se servira de tout pour connaître les distances entre les observatoires, puis les distances correspondantes au niveau de la mer… pour aboutir d'abord à la longueur en ligne droite sur le méridien, la corde(2), et enfin à la longueur de l'arc sphérique sur le méridien(3).

Chaque point de repère est particulier ! d'autres mesures et calculs sont donc nécessaires suivant l'emplacement exact de l'appareil de visée et chaque lieu est donc décrit avec précision…

Description de la Tour de Cassel…

Chaque lieu est donc étudié géométriquement…

Les relevés de chaque lieu…

Des relevés précis, répétés…
Chaque mesure est refaite patiemment…

Quand tous les relevés auront été faits, on calculera, grâce aux formules trigonométriques, toutes les longueurs… à la main bien sûr, avec les tables de logarithmes et de trigonométrie comme seuls auxiliaires.

Des calculs bien organisés, c'est indispensable !

Un rapport très complet sera rédigé et reprendra tout, absolument tout ce qui a été fait :

La table des matières (de plusieurs pages) du rapport rédigé par Delambre indique les multiples étapes.

Enfin, même si ça paraît mission impossible, on l'a déjà fait(4) ! et les progrès des instruments de mesure permettront d'être plus précis…

Donc Jean-Baptiste Delambre, partant du Nord, de Dunkerque précisément, et Pierre Méchain, partant de Barcelone pour le Sud, doivent se rencontrer à Rodez ! deux villes au niveau de la mer et au plus proche du méridien de Paris : à eux d'appliquer la méthode !


  1. (1) Enfin presque ! il y a aussi son symétrique par rapport au côté (AB).
  2. (2) La terre est ronde ! sphérique, du moins on fait comme si… Il y a déjà bon nombre de calculs !
  3. (3) On a quand même conscience que la terre est un peu aplatie, grâce aux mesures de battement du pendule. Mais si, c'est très sérieux, capitaine Haddock
  4. (4)

    Palais des Tuileries, le Grand Salon, les membres de la commission des poids et mesures attendent en silence. La porte s'ouvre, Louis XVI s'avance. On lui présente les savants, Monge, Meusnier, Borda, Coulomb, Vandermonde, Brisson, Tillet, Lavoisier, Haüy, Legendre, Méchain. Passant devant Jacques-Dominique Cassini, le directeur de l'Observatoire de Paris, il s'arrête longuement, les deux hommes se connaissent depuis longtemps : « Comment, Monsieur Cassini, on me dit que vous allez recommencer la mesure du méridien que votre père et votre aïeul ont déjà faite avant vous, est-ce que vous croyez le faire mieux qu'eux ? »

    Cassini surpris répond tout de même : Sire, je ne me flatterais certainement pas de mieux faire, si je n'avais sur eux un grand avantage. Les instruments dont mon père et mon aïeul se sont servis ne donnaient la mesure des angles qu'à quinze secondes près. Monsieur le Chevalier de Borda, que voici [il désigne Borda, debout au milieu de ses collègues], en a inventé un qui me donnera cette mesure des angles à la précision d'une seconde ; ce sera tout mon mérite.

    La scène se passe le 19 juin 1791. Le lendemain de cette entrevue, juste avant minuit, Louis XVI quittait les Tuileries pour la frontière Est du Royaume. Reconnu par un maître de poste, Jean-Baptiste Drouet, il sera arrêté à Varennes.

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