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Dans cet épisode, nous découvrirons l'origine de la langue française au Québec.

La langue française
Au moment où les premiers colons français sont venus s'installer au Québec, la langue française n'était pas encore vraiment née et unifiée. Le Français avait beau être la langue de la diplomatie, des arts, sciences et techniques, la population ne le parlait que peu dans ce temps-là. Cette langue appelée Français pur était réservée à une élite, dont la cour de France. En effet, il est estimé qu'au moment de la Révolution Française, en 1789, seulement un quart de la population parlait le Français dans l'hexagone. Les autres communiquaient avec leur langue régionale.
La question de l'unification du Français s'est posée au moment de la Révolution pour que les lois et idées soient mieux diffusées dans la nation. C'est donc à la fin du XVIIIe siècle que la langue française a commencé à émerger, mais il a encore fallu attendre les mesures de Jules Ferry en 1882 pour que son enseignement soit généralisé à l'ensemble de la France.

Pavillon de Nouvelle-France

Le choc des patois
Ainsi, la langue Française n'était pas encore unifiée et popularisée lors de la colonisation. Nous rappelons que celle-ci a commencé au XVIIe siècle avant de s'accentuer au XVIIIe siècle. Les colons venant de différentes régions de France, leurs dialectes n'étaient pas identiques. La carte ci-dessous montre les régions d'origine des colons en Nouvelle-France. Les provinces au-dessus de la ligne Bordeaux / Paris ont été les plus représentées. Logiquement, de nombreux dialectes patois se sont retrouvés dans les premières communautés françaises au Québec. Seuls les migrants de Paris parlaient le Français.
Un fait relativement étonnant concernant ces dialectes est que la langue parlée en Nouvelle-France était, dès ce temps-là, relativement homogène. L'hypothèse la plus répandue établit que ce choc des patois aurait eu lieu en Nouvelle-France, les colons devant établir une langue commune pour pouvoir construire leur communauté. Les femmes auraient également joué un rôle essentiel dans cette construction de la langue. En effet, le Roi avait envoyé un millier de jeunes célibataires trouver un mari en Nouvelle-France, les célèbres Filles du Roy. La plupart de ces femmes avaient été éduquées et parlaient un Français proche de celui du Roi. Cette arrivée de femmes a bouleversé la natalité, la population allant jusqu'à tripler en 10 ans. Ces femmes ont donc pu éduquer une large génération de jeunes colons qui formèrent l'avenir de la colonie.
D'autres facteurs auraient également eu leur importance. Nous pouvons par exemple évoquer l'arrivée de nombreux militaires(1) qui ne communiquaient qu'en Français. La faible superficie des zones habitées en Nouvelle-France aurait également accéléré l'adoption d'une langue commune. Nombreux sont les religieux, militaires ou même nobles à s'être étonnés de la pureté de la langue française dans cette colonie, une langue et un accent similaires à ce qui existe à Paris, aussi bien dans l'élite que dans le peuple.

Origine des colons de Nouvelle-France

Un Français royal ?
Le Français parlé en Nouvelle-France était donc très proche de celui de Paris. Il est important toutefois de souligner qu'à Paris deux types de Français étaient employés : le style familier et le style soutenu. Le premier pouvait être retrouvé chez les nobles, c'était le Français royal. Le style soutenu quant à lui était d'avantage utilisé dans le droit, l'enseignement et l'art, dans la classe bourgeoise. Ces deux formes de langage auraient cohabité durant tout le XVIIe et XVIIIe siècle. Les témoignages indiquent que l'accent et la prononciation en Nouvelle-France étaient très proche du style familier, celui de la noblesse. Nous pouvons donc penser que le Français au Canada était en partie hérité de celui de la cour du Roi.
La Révolution Française de 1789 fit disparaître en France ce style familier, à cause de son association à la noblesse qui n'avait plus sa place dans le pays.

Ainsi, le Français québécois posséderait donc une origine différente du Français de France. Ces deux langues seraient donc initialement cousines.


  1. (1) 1 200 soldats alors qu'il n'y avait auparavant que 3 200 habitants.