Peut-on vivre sans cerveau ?
Est-il possible de survivre si l'on n'a pas de cerveau ?
On peut vivre sans cerveau ? Oui, répondront tout à trac certaines personnes agacées par un membre de leur entourage…
Mais soyons sérieux : est-il réellement possible de se passer de ses deux hémisphères et de raisonner normalement ?
Oui, répondent les neurologues. Les cas authentifiés de personnes ayant réussi à vivre sans cerveau ou avec un encéphale réduit à quia s'accumulent depuis près d'un siècle.
En 1980, le neurologue John Lorber de l'Université de Sheffield, Yorkshire, décrit le cas d'un de ses patients, venu consulter pour un trouble mineur. Le patient était un jeune doctorant en mathématiques, élève brillant et sympathique. Il lui avait été adressé par un collègue préoccupé par la taille de sa tête, un peu plus grosse que la normale. L'examen CAT-Scan révéla que le jeune homme était pour ainsi dire dépourvu de cerveau, son encéphale étant réduit à une pellicule de moins d'un millimètre de tissu cérébral recouvrant le sommet de sa mœlle épinière. Depuis sa naissance, cet étudiant souffrait d'hydrocéphalie (rétention de liquide cérébro-spinal dans la cavité crânienne), ce qui avait affecté le développement de son cerveau mais pas de son intelligence. Il mena d'ailleurs une vie tout à fait normale et continua d'accumuler les honneurs en mathématiques.
Ce cas étonnant est loin d'être isolé : le professeur Lorber répertoria au cours de sa carrière plusieurs centaines de cas de personnes ayant des hémisphères cérébraux quasi-inexistants mais qui se comportaient comme des individus intelligents et normaux. Certains d'entre eux, qu'il décrit comme n'ayant « aucun cerveau discernable », obtenaient néanmoins des résultats allant jusqu'à 130 aux tests ordinaires de Q.I.
En 1914, on rapporte le cas d'un homme de 62 ans, brutalement emporté par une crise épileptiforme. L'autopsie révéla qu'à la suite d'une blessure à la tête survenue un an plus tôt, un vaste abcès purulent s'était développé dans son crâne. Son cerveau était réduit littéralement à l'état de bouillie, sans que ses fonctions en aient été affectées. Il avait vécu jusqu'à la fin sans souffrances, et sans modifications de son comportement.
À Marseille en 2003, l'IRM et le scanner d'un homme de 44 ans à l'intelligence à peine plus basse que la moyenne (75 de Q.I.) ont montré qu'il vivait sans cerveau. Une boîte crânienne aussi complètement vide serait en principe celle d'une personne démente ou grabataire. Cependant, ce fonctionnaire père de famille n'a rencontré aucun problème particulier au cours de sa scolarité ou dans ses relations sociales.
Pour certains, l'existence de redondances de fonctions dans le cerveau suffirait à expliquer la compensation de l'absence des deux hémisphères. Cependant, les recherches récentes vont à l'encontre de cette hypothèse, car elles mettent en évidence la très grande spécialisation des zones cérébrales – les zones motrices et le cortex visuel, par exemple, semblent être des zones bien délimitées et très spécifiques.
Les observations du professeur Lorber ont aussi servi à montrer que la mémoire reste un mystère complet. On supposait au début que la mémoire avait une zone dédiée dans le cerveau, comme dans un ordinateur. Mais les recherches n'ont pas réussi à prouver que la mémoire était située dans un secteur particulier. Comme le disait un neurologue : « la mémoire est partout dans le cerveau et nulle part. »
Pour certains, la mémoire est partout et le cerveau nulle part…
Désormais, vous y réfléchirez à deux fois avant de déclarer : « J'ai un trou… ! »