C'est une histoire que certains d'entre vous connaissent probablement : au IXe siècle, une femme nommée Jeanne réussit à se faire élire pape à la barbe de tous les cardinaux. Deux ans plus tard, elle accoucha publiquement et fut condamnée à mort pour son crime.

Suite à cette histoire, l'Église décida de ne plus se laisser à nouveau berner par une représentante du sexe faible. Il fut convenu qu'après le conclave, et avant le célèbre habemus papam, le nouveau descendant de Saint Pierre devrait s'asseoir cul-nu sur une chaise percée tandis que le plus jeune des diacres vérifierait en mains propres la masculinité de leur nouveau chef. Après ce toucher vérificateur, il pouvait s'écrier, le cœur rempli de joie, habet duos testiculos et bene pendentes : il a deux testicules, et elles pendent bien ! Gaudium magnum et tout le tralala, l'Église a un nouveau chef !

Quelle belle histoire, n'est-ce pas ? Oui, mais… totalement fausse(1).
D'abord, l'histoire de la papesse Jeanne n'est qu'une mystification sans aucun fondement : les dates ne concordent pas, les lieux non plus. La première mention de la chose est d'ailleurs encadrée d'un cinglant « à vérifier » par son auteur Jean de Mailly ! Ce modalisateur sera perdu dans les publications futures, mais les faits sont incontestables : de papesse, nulle apparition.

Ce qui permet aussi d'en déduire que le mythe de la chaise percée n'en est qu'un. Les archives du Vatican, pourtant prolixes (et dorénavant publiques) sur le sujet des conclaves, restent muettes.
En revanche, l'objet en lui-même existe bel et bien et vous pourrez le voir en allant au Vatican. En marbre, il avait une dimension symbolique et politique, puisqu'il représentait l'autorité du pape en tant que « patriarche universel », lui conférant donc un titre plus élevé que les patriarches d'Antioche, de Constantinople et de Jérusalem qui auraient pu lui disputer cette autorité. Aucun rapport donc avec un quelconque test de masculinité !


  1. (1) Bien que reprise par de nombreuses œuvres populaires, telle la série Borgia.