Il est un terme qui revient régulièrement dans nombre d'articles de presse, mais dont les subtilités ne sont pas forcément connues de tous : la prescription pénale.
magistrats
Mais qu'est-ce donc que cette notion là ?

Vous savez sans doute que c'est l'idée selon laquelle, après un certain laps de temps, il n'est plus possible de poursuivre une infraction pénale. Mais développons un peu.
La raison même de la notion tout d'abord : au fil de la construction du Droit Pénal Général(1) (l'élaboration des règles du droit) est apparue l'idée que le temps passant après une infraction doit amener à l'oubli si l'auteur n'a pas été identifié. Le trouble à l'ordre public est présumé avoir disparu, et l'auteur est présumé s'être amendé, d'autant qu'il n'a pas commis de nouveau fait (… ou qu'il n'a pas été identifié !) depuis.

Le détail maintenant. Il convient de préciser selon deux types de notions :

  • La prescription de l'action publique : (i.e.la poursuite de l'infraction) elle est de 10 ans pour les crimes (attention, par crime, entendre affaire criminelle, relevant de la Cour d'Assises ; et donc pas forcément crime de sang. Ainsi, par exemple, le trafic de stupéfiants en bande organisée, le viol, etc.) Elle est de 3 ans pour les délits, et de 1 an pour les contraventions ;
  • La prescription de la peine : il s'agit là des cas où l'auteur a été identifié et l'affaire jugée. L'auteur est en fuite, n'ayant jamais été attrapé(2) : elle est de 20 ans pour les crimes, de 5 ans pour les délits et de 2 ans pour les contraventions. On estime là que ce n'est pas la carence de la puissance publique qui est en cause, mais « l'activisme » du mis en cause : les délais sont donc plus longs que supra.

Balance du droit

Quid de son effet ? La prescription a un effet absolu : les poursuites ne sont plus possibles. Totalement et sans autre forme de recours. L'assassin pourra passer des aveux complets, il ne sera pas jugé et ne pourra pas l'être. Elle court à partir de la cessation d'effet (si l'infraction dure dans le temps : par exemple la dernière injection de poison si elle s'est faite en plusieurs fois). Seul élément dont il faut tenir compte, le délai de prescription court à partir du dernier acte de la procédure, ce qui diffère sensiblement de la date des faits. S'il n'y en a presque aucun pour une contravention, on en trouve nettement plus pour une affaire criminelle qui ne sera « classée sans suite » que un, deux voire trois ans d'enquête après la date des faits eux-mêmes, après des investigations infructueuses retardant d'autant la prescription. Et cela quand bien même le délinquant ne soulèverait pas cette notion (et demanderait à être jugé) : elle est dite « d'ordre public » ; le Juge doit la retenir de lui-même et ne peut y faire exception.

Fidèle lecteur d'omnilogismes qui a déjà lu quelqu'article relatif au droit sur le site, il ne vous a pas échappé que traditionnellement en droit, tout principe souffre quelques exceptions… et c'est aussi le cas pour la prescription.

En matière de presse, en application de la loi de 1881, la prescription pour les faits de diffamation et autres infractions associées est de trois mois. On estime là que le préjudice s'estompe beaucoup plus rapidement(3).

En matière de viol sur mineur(e) – et tout crime ou délit sur mineur(e), la prescription ne court qu'à partir de la majorité de la victime.

Le crime contre l'humanité n'est quant à lui pas prescriptible ; mais c'est le seul.

Bon, cela dit, plutôt que d'avoir à l'invoquer, le plus simple est encore de ne pas faire de bêtise !


  1. (1) En complément du droit pénal spécial qui étudie chaque infraction, et de la Procédure Pénale, qui étudie le fonctionnement de l'infraction de sa commission au jugement.
  2. (2) … ou s'étant évadé !
  3. (3) Quoique, l'avènement d'Internet rend accessible le délit beaucoup plus longtemps maintenant…