Par vous j'aurai conquis des terres fort vastes, que Charles détient, qui a la barbe fleurie. Et l'empereur en est puissant et riche. (1)

— Chanson de Roland, 173

La chanson de geste et le merveilleux vont ensemble. Il est naturel que la poésie épique embellisse le héros ; que la Chanson de Roland prête à Charlemagne une barbe digne de Neptune.

Le chroniqueur, lui, ne devrait écrire que ce qu'il voit, et relater avec rigueur la parole. Il ne le fait pas toujours. Éginhard, l'auteur de La Vie de Charlemagne, vécut à la cour de l'empereur ; il le connut bien. Pourtant, il lui prête une taille invraisemblable qui n'excédait pas en hauteur sept fois la longueur de son pied – soit plus de deux mètres vingt. Quant à la légendaire barbe fleurie, ce lettré n'en parle pas. C'est la Chanson de Roland qui la promouvra ; la barbe signifiant vigueur, autorité et force accomplie.

Peu à peu, la fiction supplante le réel. On enjolive, romance – transmet l'inexactitude. Aujourd'hui, nous imaginerons Charlemagne grand, très barbu. Mais si ça se trouve, il avait une barbe miteuse. En effet, il est surprenant qu'Eginhard ne l'ait pas décrite, alors qu'il a détaillé l'empereur. Par contre, Charles atteignait 1 m 95(2) : stature très haute pour nous, mais géante à son époque.

Charlemagne


  1. (1) « Mult larges teres de vus avrai cunquises Que Carles tent, ki la barbe ad flurie. E li empereres en est ber e riches.
  2. (2) Pour une stature ramenée à six pieds (\(32,5 cm\times6 = 195 cm\)).