Retrouvez aujourd'hui, dans ce nouvel épisode des fabuleuses aventures du docteur Heisenberg(1), le combat de notre héros contre le monstrueux démon de Laplace !

Holà ! Qu'est-ce qu'il va nous pondre encore…

— Un lecteur étonné

Hmm… Peut-être me suis-je un peu emballé. Pour commencer, le démon de Laplace n'a rien de très monstrueux à première vue. Il s'agit en fait d'une expérience de pensée proposée par Laplace(2) en 1814, pour matérialiser le déterminisme (c'est-à-dire la notion de causalité : toute conséquence a une cause) et faire flipper les ménagères (et aussi sans doute parce qu'il s'ennuyait un peu).

Nous devons donc envisager l'état présent de l'univers comme l'effet de son état antérieur et comme la cause de celui qui va suivre. Une intelligence qui, pour un instant donné, connaîtrait toutes les forces dont la nature est animée et la situation respective des êtres qui la composent, si d'ailleurs elle était assez vaste pour soumettre ces données à l'analyse, embrasserait dans la même formule les mouvements des plus grands corps de l'univers et ceux du plus léger atome ; rien ne serait incertain pour elle, et l'avenir, comme le passé, serait présent à ses yeux.

— Laplace, Essai philosophique sur les probabilités, Œuvres, Gauthier, Villars, 1886, vol. VII, 1, pp. 6-7.

TL ; DR : Le démon de Laplace est une entité imaginaire omniscient, version intégrale. Plus précisément, il connaît à un instant donné (n'importe lequel, mais un seul) la position et le mouvement (la vitesse) de toutes les particules de l'Univers avec une précision infinie, et peut les analyser entièrement.

Et puisque l'Univers est déterministe, connaître tout cela permet de savoir quel était le mouvement et la position de ces particules avant cet instant donné, mais également le mouvement et la position de ces particules après cet instant. Ce qui veut dire qu'il connaît parfaitement le passé, le présent, et le futur.

Là où ça peut devenir inquiétant, c'est que puisque nous sommes faits de particules, le démon peut aussi connaître notre propre passé et surtout notre propre futur, dans son intégralité, et cela même à partir d'un instant où nous n'existions pas encore ! Ce qui, avouons-le, donne bien envie de s'adonner au fatalisme le plus exacerbé : notre libre-arbitre ne serait-il qu'une illusion, tout serait-il déjà tracé ‽

Eh bien, pas tant que ça…

Dans un premier temps, si l'on considère que l'esprit transcende la matière, et que l'esprit n'est pas fait de particules, alors on a là une inconnue pour le démon de Laplace, et on l'y remet.
À sa place.
Oui c'est un très mauvais jeu de mots.
Et non, je n'ai pas honte.

Mais que les plus sceptiques d'entre vous se rassurent : il y a une seconde réponse, plus scientifique, à cette terrible question…

Toutefois, cette seconde réponse sera pour le prochain épisode !
(Ben oui, qui dit épisode de série dit cliffhanger à la fin, non ?)
Le pilote de notre série se poursuit dans le deuxième épisode !


  1. (1) Werner, de son prénom, 1901-1976, physicien allemand qui fut l'un des fondateurs de la physique quantique.
  2. (2) Pierre-Simon de son prénom, 1749-1827, un genre de couteau suisse de la science avec un prénom qui laissait toujours penser qu'il signait en post-scriptum.

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