Vous-êtes vous déjà demandés pourquoi, dans la Nature, certaines choses se passent naturellement et d'autres pas ? Pourquoi peut-on brûler une feuille de papier, mais pas la reconstituer ensuite, par exemple ? Quelle est la grande règle de l'Univers qui détermine ce qui peut arriver et ce qui ne peut pas ?

Cette question, à laquelle nous allons répondre, est peut-être la plus grande question de la science. La réponse en est pourtant assez simple, et un physicien, Josiah Willard Gibbs (1839-1903), la formula vers la fin du XIXe siècle.

La Nature est en perpétuel équilibre entre deux grandes notions : l'énergie et l'entropie.

  • L'énergie, que vous connaissez surement, est ce qui permet à un système d'entrainer une action, un changement d'état. Une de ses particularités est qu'elle peut changer de forme, mais se conserve toujours. On parle par exemple d'énergie cinétique (c'est-à-dire l'énergie de mouvement, que vous avez quand vous vous déplacez), d'énergie électrique, chimique, etc.
  • L'entropie est une notion désignant le désordre, au niveau moléculaire, d'un système. Si ses molécules sont ordonnées entre elle, l'entropie est faible, si elles sont désordonnées, l'entropie est forte(1).

À partir de là, l'Univers est régi par deux lois fondamentales :

  1. Un système tend toujours à abaisser son énergie, et le fera s'il le peut.
  2. Un système tend toujours à augmenter son entropie, et le fera s'il le peut.

Enfin, ces deux règles peuvent se compenser entre elles : un système peut abaisser spontanément son entropie pourvu que son énergie diminue plus que cette « baisse », et inversement, un système peut augmenter spontanément son énergie pourvu que son entropie augmente « plus » que cette hausse.

Et c'est tout ? Oui, c'est tout, et ça suffit à tout expliquer.
Prenons l'exemple de notre feuille de papier qui brûle. Une fois qu'elle n'est plus que cendres et gaz, on pourrait, avec une petite armée de chimistes, un matériel de très haute technologie, beaucoup de temps, et beaucoup d'argent, reconstituer la feuille de papier. Mais sa combustion, elle, se fait spontanément(2).

Reprenons nos deux lois énoncées ci-dessus. Lorsqu'une feuille de papier brûle, elle dégage beaucoup d'énergie, sous forme de chaleur et de lumière ; cette énergie était à la base stockée sous forme de potentiel chimique (c'est-à-dire de capacité à réagir avec des éléments extérieurs), et les molécules de papier l'ont relâchée pour atteindre des niveaux d'énergie plus bas, sous forme de gaz et de cendres. De plus, lorsque la feuille de papier est à l'état solide, ses molécules sont bien ordonnées entre elles, tandis qu'après la combustion, elles vagabondent, séparées, sans aucune organisation, ou presque (forte entropie).

Cette réaction est donc doublement bénie par les lois de la Nature, et elle s'empresse donc de se faire joyeusement tandis que vous regardez horrifié les restes de votre devoir maison de mathématiques qui s'est un peu trop approché de l'allumette que tenait votre petit frère à la main (pour vous consoler, dites-vous que vous aurez toujours une excuse à donner, que personne ne croira bien sûr).


  1. (1) Ceci est une des définitions de l'entropie. En thermodynamique, et d'un point de vue macroscopique, l'entropie est le rapport entre la quantité de chaleur échangée et la température, ce qui revient à la même chose que la première définition qui aborde, elle, la chose d'un point de vue microscopique, et plus général.
  2. (2) Certains bien renseignés me diront qu'il faut une quantité d'énergie initiale pour lancer la combustion, or, cette énergie initiale sert uniquement au début, et non à entretenir la réaction, et elle peut être apportée tout à fait naturellement, par la lumière du Soleil par exemple.