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Le 4 Juillet 2012, le CERN annonce avoir finalement découvert la particule de Dieu(1) : le boson de Higgs.

Découvert ? Pas vraiment… Non pas parce qu'ils n'en sont pas sûrs à 100 % (mais à 99,999 97%, ce qui reste correct… !), mais parce que cette particule avait déjà été « découverte », ou du moins postulée, en 1964, par six physiciens(2), d'où le nom complet dudit boson : boson de Brout-Englert-Higgs-Hagen-Guralnik-Kibble, ou boson BEHHGK.
Enfin, par souci de simplicité, appelons-le simplement boson de Higgs, c'est plus court, quand même…

Et donc, tout ce qu'a fait le CERN, c'est réussir à prouver, grâce au LHC(3), l'existence de ce boson.

Vue aérienne du site du CERN, avec le contour du LHC tracé

Quarante-huit ans pour réussir à prouver l'existence d'une particule dont on avait déjà les caractéristiques  ‽

— Un lecteur étonné

Eh bien oui, et tout ça pour deux principales raisons :

Premièrement, le boson de Higgs a une durée de vie extrêmement courte : \(10^{-23}\) secondes : les technologies actuelles, pas aussi précises dans le temps, ne peuvent donc pas le détecter.

La seconde raison vient de la technique utilisée pour repérer le fameux boson. Puisqu'il est impossible d'en capturer (en raison de sa durée de vie), il faut faire entrer en collision deux particules avec une énergie totale égale à l'énergie que devrait avoir le boson de Higgs (puisque l'énergie est conservée). Quasiment instantanément après sa création, il se désintègre en d'autres particules, qui elles sont plus facilement observables.

Ceci est un exemple parmi onze réactions (connues) susceptibles de faire intervenir le boson de Higgs

Ici par exemple, il se désintègre en deux quarks bottom. Et c'est là qu'est le deuxième problème : il existe des centaines d'autres réactions qui ont pour réactifs deux gluons et comme produits deux quarks bottom, en passant par d'autres particules que le boson de Higgs. Et la seule différence entre une réaction comportant le boson de Higgs et une réaction ne le comportant pas est un écart d'énergie extrêmement infime. Par ailleurs, histoire de bien compliquer le tout, ces centaines d'autres réactions ont généralement bien plus de chance de se produire que celle avec le boson de Higgs…

Il faut donc à la fois compenser la très faible probabilité que le boson de Higgs intervienne dans la réaction lorsqu'on lance nos deux particules l'une contre l'autre, et la petitesse de l'écart en énergie qui se produit lorsque c'est le cas.

Et pour cela, il n'y a pas de secret : il faut faire beaucoup de mesures, beaucoup de fois la même réaction. Et c'est ce que fait le LHC : beaucoup de mesures. C'est-à-dire, environ quarante millions de réactions par seconde, 24 heures sur 24, toute l'année.

C'est donc ainsi que, ce jour du 4 Juillet 2012, le CERN a fini par considérer que ses données étaient suffisantes pour certifier la présence du boson de Higgs. Au final, 48 ans, c'est franchement court, compte tenu des faibles probabilités et des faibles écarts d'énergie mis en jeu. D'autant que le LHC, mis en marche en 2008, n'a pas passé ses quatre années à faire des mesures sur ce boson(4)

Bon d'accord, mais tout cela ne nous dit pas ce que c'est que ce fichu boson de Higgs !

— Un lecteur impatient

Eh non, et pour cela, il faudra attendre le prochain article, car celui-ci ne traîne déjà que trop en longueur… !


  1. (1) Cette appellation est uniquement d'origine médiatique : la plupart des scientifiques sont d'ailleurs en désaccord avec ce nom.
  2. (2) François Englert et Robert Brout d'un côté, Gerald Guralnik, Carl Richard Hagen et Thomas Kibble d'un autre côté, ainsi que Peter Higgs.
  3. (3) Le plus grand accélérateur de particules, les hadrons étant une classe de particule, qui contient par exemple les protons, les neutrons…
  4. (4) Par exemple, le \(Ξ^{+0}_{b}\), ou « Xi b », qui résulte de l'assemblage des trois quarks up, strange et bottom, a été « confirmé » par le LHC en Décembre 2011.

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