Rire ou dormir, il faut choisir
Quelle est l'histoire des anesthésiques ?
Au début du XXe siècle, époque où l'on n'utilisait encore aucun anesthésique, on disait qu'un chirurgien devait posséder « un cœur de lyon et une main de dame », le premier afin de s'endurcir aux cris des patients, la seconde pour travailler à la fois avec célérité et dextérité. Un chirurgien habile pouvait pratiquer une amputation en moins de trois minutes. Or, nous savons aujourd'hui qu'une telle précipitation aurait pu être évitée, car un excellent anesthésique, le protoxyde d'azote, était en fait déjà employé… mais pour faire rire les gens.
C'est au chimiste anglais Joseph Priestley que l'on doit la première préparation de protoxyde d'azote, en 1772. Dès 1800, Humphrey Davy, inventeur de la lampe de mineur, suggéra que ce gaz pouvait s'utiliser comme anesthésique en chirurgie. Mais cette propriété demeura longtemps ignorée, au profit d'une autre, plus évidente : ce gaz déclenchait l'hilarité chez celui qui l'inhalait. Ainsi le « gaz hilarant » devint-il un divertissement populaire dans les soirées et un artifice couramment utilisé par les forains.
La suggestion de Davy ne suscita que très peu de recherches, jusqu'au jour où, en 1844, le jeune dentiste bostonien Horace Wells identifia les propriétés anesthésiques du protoxyde d'azote. Au cours d'une démonstration publique des effets du gaz, il remarque que l'un de ses récipients avait, en tombant, profondément entaillé la jambe d'un assistant sans que celui-ci manifestât la moindre douleur. Après avoir expérimenté le protoxyde d'azote sur ses patients, Wells chercha à faire connaître sa découverte en pratiquant une extraction dentaire en public. Mais l'expérience ne se déroula nullement comme il l'avait escompté. Le cobays hurla de douleur ; Wells fut hué et passa pour un imposteur.
En 1846, un autre dentiste bostonien, William Morton, pratiqua, lui, une extraction indolore grâce à un anesthésique liquide : l'éther. L'année suivante, l'obstétricien anglais James Young Simpson commença à endormir ses patients au chloroforme. Il semblait que le protoxyde d'azote fût condamné à l'oubli. Mais, avec le temps, l'éther et le chloroforme furent jugés dangereux : le protoxyde d'azote devint l'un des anesthésiques gazeux les plus efficaces… et le propulseur des cartouches de chantilly !
Attention maintenant à ne pas mourir de rire !