Jean Jules Antoine

C'est le 14 février que la vieille Angleterre célèbre la Saint-Valentin. On fait remonter l'origine de cette coutume à une Cour d'amour établie en l'an 1400, à Paris, dans l'hôtel d'Artois. Elle était fondée sur l'humilité et la fidélité en l'honneur des jeunes dames.

Au lever du soleil, le premier garçon qui aperçoit une jeune fille, et la première jeune fille qui aperçoit un garçon, sont Valentins. Le Valentin porte les couleurs de sa Valentine ; il est de droit son chevalier pendant une année entière. On retrouve encore cette tradition dans les provinces de Franche-Comté, d'Alsace et de Lorraine. La Saint-Valentin est la date des promesses, des serments et des fiançailles. C'est aussi la fête patronale des possesseurs d'abeilles, dans le Nord et dans le Pas-de-Calais.

Il existait, il y a trente ans, dans chaque village du canton de Laventie, une société d'ézeleux (possesseurs d'abeilles), qui, chaque année, le 14 février, faisait chanter une messe de Saint-Valentin, à l'issue de laquelle on se réunissait à l'auberge pour dîner et pour raconter maints épisodes apicoles. Le chef-lieu et plusieurs villages conservent leur société d'ézeleux. Chaque société d'ézeleux élit annuellement un roi. La couronne appartient de droit à celui qui a eu le premier essaim la campagne précédente. Cette dignité vaut à l'impétrant un chapeau neuf, qui lui coûte plus cher que chez le chapelier, par les régalades qu'il est tenu de payer. Mais aussi, son nom est inscrit sur une sorte de médaille découpée dans une feuille d'argent très mince. Cette médaille est ajoutée à celles des lauréats précédents, et forme un collier étagé que le roi se met au cou pour aller à l'offrande de la messe de Saint-Valentin.

La Saint-Valentin a aussi quelque analogie avec nos poissons d'avril. À cette date, la poste de Londres colporte des millions de lettres appelées « Valentines. » À côté des missives affectueuses, on envoie des canards mystificateurs sous la forme de tendres déclarations. Les hommes d'État reçoivent des lettres sentimentales signées de leurs irréconciliables adversaires. Les plumes et les crayons du Punch se livrent aux extravagances et aux fantaisies les plus désopilantes, valentines politiques, absurdes comme le mariage d'un caporal prussien avec une Alsacienne. On sait que cette fête a fourni à Walter Scott le sujet de la Jolie fille de Perth, ou le Jour de Saint-Valentin.

Tel est l'exposé sommaire d'une tradition presque oubliée qui s'en va, comme bien d'autres choses excellentes.