Trouvez-vous certains films américains trop manichéens, avec leurs valeurs conservatrices, leurs happy-ends niais, et leurs personnages superficiels ? Si oui, c'est que vous ne connaissez pas l'existence du code Hays – pas encore, du moins.

Le Motion Picture Production Code(1), de son vrai nom, surnommé « Code Hays » d'après son créateur, Will H. Hays, est un ensemble de règles et directives qui a régi la censure de la quasi-totalité des films hollywoodiens sortis de tous les studios majeurs entre 1934 et 1968. Et, croyez-moi, une fois que vous connaîtrez son contenu, vous regretterez bien vite la mièvrerie des Walt Disney récents ! Je vous propose de passer en revue les grandes lignes de ce texte, et éventuellement de mentionner les grands films de notre ère qui auraient pu être censurés à l'époque.

Le Code s'articule autour de trois principes fondamentaux :

  1. Il est interdit de produire un film diminuant les valeurs morales de ses spectateurs. Ainsi, la sympathie du spectateur ne doit jamais être placée aux côtés du crime, des mauvaises actions, du mal (sic.) ou du pêché.
  2. Des modes de vie corrects, aux exigences près du drame et du divertissement, doivent être représentés.
  3. Les lois, naturelles ou humaines, ne doivent jamais être ridiculisées, et leur violation ne doit pas inspirer de sympathie.
— Extrait du Code Hays

Bien, vous constaterez que d'ores et déjà, un nombre assez significatif de films contemporains passe à la trappe. Maintenant, quelques morceaux choisis du texte :

  1. La nudité complète est absolument interdite.

    — Code Hays, article VI. 1

    Là, la plupart des films de Stanley Kubrick s'envolent – Eyes Wide Shut, Orange Mécanique, Shining, pour ne citer qu'eux.

  2. Ridiculiser la religion est interdit, et ses représentants ne doivent jamais être représentés sous des aspects comiques ou comme des méchants.

    — Code Hays, article VIII. 1-2

    Le documentaire satirique Relidicule de Larry Charles n'aurait même pas tenu dix secondes à la MPPDA(2)

  3. Les représentations ou références à toute forme de perversion sexuelle sont interdites.

    — Code Hays, article II. 4

    Et n'oubliez pas qu'en 1930, l'homosexualité est considérée comme une perversion sexuelle dans la majorité des pays développés. Je vous laisse imaginer le peu de tolérance qu'aurait eu la MPPDA face aux films de Pedro Almodovar par exemple, bien qu'il ne soit pas américain.

  4. Toute utilisation de juron (ceci inclut les mots God, Lord, Jesus, Christ – sauf utilisation révérencieuse – Hell, Son of a Bitch, Damn, Gawd) ou autres expressions vulgaires sont interdites.

    — Code Hays, article III

    Oubliez tous les films de Quentin Tarantino, avec ça.

  5. Il est interdit de représenter ou de faire allusion à des relations sexuelles entre les races blanche et noire.

    — Code Hays, article II. 6

    Je crois que cet article se passe de commentaire !

Vous l'aurez remarqué, le texte fait preuve d'un certain… puritanisme. Vous ne serez donc pas surpris d'apprendre qu'il a été rédigé pour la MPPDA par deux ecclésiastiques, Martin Quigley et Daniel Lord, respectivement éditeur religieux et prêtre jésuite.

Il est vrai que le Code n'a pas été entièrement respecté tout du long de son application ; tandis que plusieurs films ont subi de très fortes pressions de la part de l'Église Catholique pour que leurs producteurs les abandonnent, certaines œuvres ne se pliant pas tout-à-fait au Code ont pu tout de même sortir au cinéma.

Je l'ai mentionné en début d'article, le cinéma américain n'a pas totalement changé : il existe toujours un certain nombre de films aussi fades que faux, semblant avoir été écrits à la mémoire de ce code. Maintenant, il existe également l'opposé exact, un genre que l'on a surnommé la Gornographie – avec un « g », oui.

D'où la conclusion suivante : une fois que l'on a évité les deux extrêmes (fusillades monstres et nudité mercantile d'un côté, puritanisme abusif et valeurs hypocrites de l'autre), peu importe où l'on se trouve sur le spectre, du moment que l'on privilégie uniquement le talent, la créativité et la qualité en général dans le Septième Art !


  1. (1) Code de Production des Films
  2. (2) Ancêtre de la MPAA, ou Motion Picture Association of America. Dans les deux cas, il s'agit du comité chargé de poser des restrictions d'âge ou de censurer les films aux États-Unis.