Quelques ancêtres… du cinéma
Comment animait-on des images avant la mise au point du cinématographe ?
Pour inventer le cinéma, il fallait, entre autres choses, pouvoir projeter une image, pouvoir animer des images et pouvoir capturer et fixer des images !
La projection n'est pas un problème depuis longtemps : le théâtre d'ombres d'abord(1), la lanterne magique ensuite(2), voilà des inventions anciennes…
L'animation des images peut conduire au dessin animé, indépendamment de la photographie… tout comme la photographie, l'image fixe donc, a son propre développement indépendant de l'animation.
Le cinématographe, ou cinéma, ou ciné – on ne cesse de raccourcir le mot(3) – conserve l'idée primordiale dont témoigne l'étymologie : du grec ancien κίνημα kínêma (« mouvement »)(4) : nous allons donc essentiellement nous intéresser au mouvement !
Un peu de théorie d'abord ! Notre œil capte une image sur la rétine et la conserve un instant : ce phénomène, la persistance rétinienne(5), explique que si deux images se succèdent dans un temps assez bref, nous avons l'illusion de n'en voir qu'une.
Alors, en route pour une exploration où des noms bizarres ne vous empêcheront pas de réaliser quelques prototypes !
Le thaumatrope ou roue à miracles est un jeu d'enfant… et sa réalisation ne pose aucun problème !
De même, notre cerveau fait bien les choses : si des images successives d'un mouvement se succèdent assez vite, il interprète et enregistre l'illusion de la continuité(6) de ce mouvement(7).
Vient donc ensuite le phénakisticope : vous faîtes tourner un disque devant un miroir. Devant vous, des fentes vous permettent de voir dans le miroir l'animation des dessins reproduits au dos du disque.
Une autre invention – il s'agit toujours de jeux d'enfant – le folioscope existe encore ! Si vous êtes bon dessinateur, créez votre phénakistiscope ou plus simple encore votre folioscope !
Si vous êtes paresseux, on peut tourner les pages à votre place !
Le zootrope n'a plus besoin de miroir, mais vous regardez toujours à travers les fentes et les animaux bondissent, les danseurs valsent…
Enfin, un appareil qui permet de s'amuser à plusieurs, le praxinoscope : vous regardez sur les petits miroirs au centre de l'appareil. On peut penser que ce n'est plus seulement un jouet, mais une attraction à la mode !
Et le zoopraxiscope de Muybridge permet même de projeter.
Mais, on peut aussi bricoler…
La photographie fait des progrès et plutôt que dessiner, plusieurs caméras permettent de décomposer le galop d'un cheval(8)…
On invente aussi le fusil photographique ! et le pistolet photographique plus léger…
Puis on invente le chronophotographe…
Et les animations vont être saisissantes de réalité !
On s'essaie partout dans le monde et ce n'est plus seulement un jeu d'enfant, ni une attraction de salon… Edison invente le kinétoscope.
Mais il n'y a pas moyen de partager le spectacle…
Le film photographique a fait bien des progrès avec Eastmann et les appareils Kodak et en 1895, Louis et Auguste Lumière mettent au point un projecteur qu'ils appellent le Cinématographe. Cet appareil permet de projeter sur un écran un film enregistré sur pellicule.
Le cinéma est né !
- (1) ↑ Né en Chine ou peut-être avant en Inde.
- (2) ↑ En Chine, IIe siècle avant J-C sans doute…
- (3) ↑ En termes corrects de linguistique, il s'agit d'apocopes successifs.
- (4) ↑ De la même famille, la cinétique, branche de la physique, et le kinésithérapeute qui essaie de redonner la liberté de mouvement aux articulations !
- (5) ↑ « Si l'œil qui regarde l'étoile se tourne rapidement de la partie opposée, il lui semblera que cette étoile se compose en une ligne courbe enflammée. Et cela arrive parce que l'œil réserve, pendant un certain espace, la similitude de la chose qui brille et parce que cette impression de l'éclat de l'étoile persiste plus longtemps dans la pupille que n'a fait le temps de son mouvement. » Léonard de Vinci( 1452-1519). Le phénomène fut ensuite démontré par le chimiste et physicien britannique Michæl Faraday (1791-1867) en 1825.
- (6) ↑ L'illusion du mouvement au cinéma serait produite par un autre phénomène que la persistance rétinienne qu'on appelle l'effet bêta. Celui-ci se manifeste dès que deux images légèrement décalées sont présentées rapidement l'une à la suite de l'autre. Notre cerveau y voit alors automatiquement un mouvement, résultat du travail d'intégration des champs récepteurs des cellules rétiniennes et des différentes aires corticales visuelles impliquée dans la détection et l'orientation du mouvement.
- (7) ↑ En ce qui concerne tous les systèmes d'animation, on pourrait croire qu'une succession d'images, mises en rotation, va former un mouvement flou. Mais c'est justement grâce aux miroirs distincts ou aux bandes noires entre chaque image que l'œil pourra distinguer nettement le mouvement. En quelque sorte, il peut se rafraîchir entre chaque pose pour en accueillir une nouvelle et ainsi de suite. Le mouvement commencera à paraître « réel » et agréable si les images défilent à la vitesse de 16 images par seconde.
- (8) ↑ Muybridge prouve ainsi l'hypothèse de Marey : un cheval au galop voit ses pattes se décoller du sol.