Gerrymandering : sous ce nom barbare qui ne cherche même pas à masquer ses origines américaines se cache l'idée qu'un découpage opportuniste de la population peut amener à des résultats contre-intuitifs lors d'élections.

Prenons l'exemple concret d'une population répartie entre deux partis : d'un côté, les Verts(1), et de l'autre les Jaunes(2) :
Répartition de base

Pour une élection classique – par exemple l'élection présidentielle française – chaque citoyen vote dans sa circonscription, et l'on fait ensuite la somme des voix. Rien à signaler ici : on trouvera bien Jaune majoritaire, et un président Jaune sera probablement élu.

Les problèmes potentiels commencent lorsque chaque circonscription élit un unique représentant, par exemple un député. Dans ce cas là, la façon dont la circonscription est découpée peut avantager certains partis au détriment des autres.

Prenons un exemple concret. Si l'on veut cinq circonscriptions, on peut découper ainsi :
Répartition juste
On aura ainsi deux députés Verts et trois députés Jaunes, ce qui fait écho à la répartition initiale. Tout va bien.

Mais que se passe-t-il si le découpage est différent ?
Répartition injuste

Cette fois-ci, on aura cinq députés Jaunes, ce qui ne représente plus vraiment la population initiale : les intérêts Verts sont complètement oubliés.

Pire encore : en groupant astucieusement, on peut faire gagner la minorité !
Répartition injuste, encore

Avec ce dernier découpage, on aura trois députés Verts, deux députés Jaunes, donnant la majorité aux Verts alors qu'ils sont en réalité minoritaires dans la population initiale.

Le problème se pose pour chaque découpage. Il part souvent d'une bonne intention (par exemple, un quartier d'une certaine minorité ethnique a sa propre circonscription pour assurer une gouvernance en cohésion avec les demandes des habitants) mais peut au final diluer les minorités (ou les majorités) aux niveaux supérieurs (par exemple à l'Assemblée nationale).

Le problème est encore plus marqué chez les Américains, pour lesquels le découpage administratif devient un art dans lequel on redécoupe jusqu'à obtenir ce que l'on veut, souvent au détriment de la logique ou de la géographie.

Lorsqu'il s'agit d'un découpage historique, c'est un problème frustrant mais légal (on peut par exemple citer le cas de Donald Trump, démocratiquement élu même si le nombre de votants en sa faveur était plus faible que son opposante, ce qui nous surprend forcément de ce côté de l'Atlantique mais est la conclusion logique du système de « grands électeurs »).

Le terme de gerrymandering est un mot-valise créé en 1811 pour dénoncer Elbridge Gerry, un politicien qui venait de redéfinir ses circonscriptions de façon clairement frauduleuse. La forme de la circonscription sur une carte ressemblait vaguement à une salamandre (salamander) : gerry-mander donna ensuite gerrymandering.

Le cartoon se moquant de la forme bizarre proposée par Gerry

Preuve, une nouvelle fois, que dans le domaine des statistiques l'on peut faire dire n'importe quoi aux chiffres.


  1. (1) Je parle de la couleur uniquement, pas du parti politique français éponyme.
  2. (2) Je parle de la couleur uniquement, pas d'une désignation douteuse de certains membres de l'humanité.