Non, rien, je pensais que ça avait coupé.

Vous avez sûrement déjà vécu ça lors d'une de vos nombreuses conversations téléphoniques (notamment lors d'appels en VoIP(1)). Nous parlons ici d'une impression bizarre, d'un silence au milieu d'un silence, d'un éphémère moment d'hésitation. Est-ce qu'il a raccroché ? Est-ce que ça a coupé ? Est-ce que j'ai fait une fausse manœuvre ? Vous posez alors la question pleine d'espoir « Euh… Allô ? ». Et le plus souvent, on réalise que l'autre est toujours là, au bout du fil, qu'aucun détail de sa journée d'hier ne s'est perdu dans l'arborescence du réseau téléphonique national.
Mais pourtant, vous avez bien senti qu'il s'était passé quelque chose…

Vous n'êtes pas fou !
Encore une fois, je vais, par le biais d'Omnilogie, tenter de répondre à une question que vous ne vous posiez pas. Car il existe une explication ! Vous pouvez déjà préparer vos 50 centimes pour la machine à café demain matin.

Dans une conversation téléphonique, on considère que les interlocuteurs parlent, à eux deux, environ 2/3 du temps total. Chaque personne parlerait donc en moyenne 1/3 du temps, le reste étant silence. Donc, si l'information – la voix – était transmise en permanence sans discontinuité dans les deux sens entre les deux participants, elle serait vide – l'utilisateur ne parlant pas – les 2/3 du temps. Autant dire que lorsque les opérateurs ont compris que 2/3 de l'occupation de leur réseau seraient remplis de silences ne contenant aucune information utile, ils ont cherché à remplir ce vide financier(2).

C'est comme ça que sont apparus les détecteurs de silence dont sont équipés de nombreux téléphones (surtout ceux communiquant par VoIP). Si l'on ne dit rien, le codec qui code/numérise la voix détecte le silence, et rien n'est transmis. Rien, y compris tout ce qu'il y a ordinairement autour de la voix : sons environnants, musique lointaine, souffle de respiration, ainsi que l'inévitable « bruit de fond », léger grésillement présent à chaque fois qu'un signal quelconque est traité. Rien de tout ceci n'atteindra votre interlocuteur dès lors que vous cessez de parler.
Ceci est problématique. Ce qui était auparavant une simple absence de voix se retrouve remplacé par un silence total, noir. Face à ça, on aurait pour le coup véritablement l'impression que la communication est coupée toutes les 2 minutes. Le drame à chaque fois que quelqu'un prend le temps de penser !

Fort heureusement, les entreprises de service ne manquent pas d'ingéniosité pour éviter la paranoïa générale de leurs clients. Désormais, les mêmes téléphones qui économisaient de l'information en supprimant les silences sont aussi équipés de générateurs de bruit « de fond ». Ainsi, lorsque l'interlocuteur ne vous parle pas, votre téléphone ne reçoit pas d'information du réseau. Mais pour ne pas vous inquiéter, l'appareil que vous avez dans les mains vous générera du bruit à l'écouteur. Ce bruit de fond créé par votre téléphone étant « à peu près » le même que n'importe quel autre bruit de fond, vous aurez l'impression que la liaison est continue.

Si, toutefois, vous avez quand même de temps en temps l'impression que la communication a été coupée, il peut y avoir plusieurs raisons. Si la transition entre le transmis-par-l'autre et le généré-par-soi est trop brusque, vous pouvez éventuellement entendre des différences de volume entre les deux bruits. Ou peut-être que vous arrivez à distinguer d'autres bruits environnants (respiration et autres), et donc vous rendez compte de leur disparition. Ou alors, vous êtes véritablement parano. Dans tous les cas, vous aurez appris qu'à l'avenir il faudra être plus tolérant envers le bruit ; vous qui accusez les agréables grésillements et fritures de rendre difficile la conversation, dites-vous qu'ils sont également la garantie que personne ne vous a raccroché au nez.


  1. (1) La Voix sur IP rassemble tous les procédés permettant de transmettre de la voix sur internet, logiciels (Skype…), téléphones IP (services de Freebox, SFRBox…), ou encore certains portables.
  2. (2) Par une équation simple : si le silence des uns peut être remplacé par la conversation des autres, on peut faire tenir davantage de monde sur un même réseau. Ce qui signifie accroître le nombre d'adhérents sans accroître la taille de la structure. D'où profit.