Sous ce jeu de mots fort moyen(1) se cache en fait l'étymologie du terme « limoger » et de son dérivé « limogeage ».

Limoger signifie aujourd'hui destituer ou renvoyer quelqu'un de ses fonctions et éventuels privilèges. On utilise le terme « limoger » plus particulièrement dans le cas de hauts fonctionnaires. Dans le secteur privé, on utilisera plutôt les termes : renvoyer, virer, licencier, remercier, etc.

Le terme prend son origine lors d'un événement se déroulant entre le 6 et le 12 septembre 1914. Si vous vous rappelez vos cours d'histoire, cette date correspond à la première bataille de la Marne au début de la Première Guerre Mondiale. Petit rappel : début août 1914 l'Allemagne lance l'essentiel de ses forces à travers la Belgique(2) dans le but d'attaquer la France par le nord et d'encercler ses armées grâce à une large manœuvre de contournement(3) aussi audacieuse que risquée. Dans un premier temps, les armées alliées sont surprises et doivent se replier pendant tout le mois d'août. Puis l'énergique général Joffre reprend les choses en mains et parvient à mobiliser toutes les forces alliées disponibles(4) pour contre-attaquer le long de la Marne. Les troupes allemandes sont surprises par cette volte-face et leur progression est stoppée net. Puis elles sont forcées de se replier plus au nord derrière l'Aisne. Suite à cette bataille, le front se stabilise durablement, faisant basculer la Première Guerre Mondiale dans une guerre de position.

Après la première bataille de la Marne, le général Joffre prendra des sanctions sévères contre 150 à 200 hauts gradés, s'étant montrés incompétents à ses yeux, en les assignant à résidence(5) à Limoges. De là est né le limogeage à partir du nom de la ville. Mais pourquoi Limoges me direz-vous ? Qu'a donc de particulier cette ville surtout connue pour sa porcelaine(6) ? Joffre éprouvait-il quelque animosité particulière à l'égard de Limoges, qu'il jugeait que ce fusse une si grande disgrâce que d'y être consigné ?

Apparemment il n'y a aucune raison particulière. Joffre n'ayant pas spécifié « Limoges » comme lieu de mise à la retraite, mais seulement une « localité de la 12ème région » à l'écart du front. Celle-ci englobait alors l'actuel Limousin, plus les départements de la Charente et de la Dordogne et avait pour capitale Limoges(7). Le choix de Limoges serait donc un simple hasard, ou si vous préférez, la conséquence logique de la situation administrative de Limoges. Selon certaines sources(8), seuls une poignée d'officiers auraient fini à Limoges même, les autres se dispersant dans d'autres localités de la 12ème région telles qu'Angoulême ou Brive-la-Gaillarde. Néanmoins c'est le terme « limoger » qui est passé à la postérité.


  1. (1) Et peut-être pas nouveau aussi, mais j'assume.
  2. (2) Violant ainsi la neutralité du pays qui se retrouva propulsé aux côtés des alliés par la force des choses. La résistance de l'armée belge face à l'invasion allemande fut décisive lors de la bataille de la Marne car elle bloqua sur le front belge de nombreuses troupes allemandes (de 120 000 à 150 000 soldats).
  3. (3) Le fameux plan Schlieffen que les allemands ressaieront en 1940 (dans une version retravaillée) avec plus de succès cette fois.
  4. (4) Il fait notamment réquisitionner les taxis parisiens pour acheminer en urgence des renforts sur le front, les célèbres « taxis de la Marne ».
  5. (5) Façon polie de dire qu'ils étaient mis à la retraite forcée. Ils ont joué le rôle de boucs émissaires diront certains.
  6. (6) D'où le jeu de mot du titre entre « état de service (militaire) » et « service (en porcelaine) de Limoges », pour ceux qui n'auraient pas suivi.
  7. (7) Qui est d'ailleurs devenue la préfecture de l'actuelle région Limousin.
  8. (8) Les sources en question n'étant jamais citées, impossible de vérifier le bien fondé de cette affirmation, à prendre donc au conditionnel.