C'est vraiment un joyeux fatras : îles Paracels, ilôts Spratley, Hainan, Taïwan, et les Senkaku…

La Chine est partout, et la Chine veut tout. Pas toujours à tort, d'ailleurs ! Mais la Chine étant devenue une très grande puissance, elle veut également avoir les honneurs / privilèges qui vont avec(1) !

Donc le nouveau numéro 1 mondial est très frileux sur ses possessions territoriales. Et tant qu'à faire, autant essayer de grailler quelques miettes aux alentours, non ? Alors parfois ce sont les Chinois qui réclament à cor et à cri quelques îlots, parfois ce sont les autres qui protestent. Le tout dans une ambiance chaleureuse, qui rappellerait presque un dîner entre Khrouchtchev et Kennedy, un soir de 1962(2).

On commence avec les conflits les plus connus médiatiquement parlant. Le plus brûlant à l'heure actuelle, c'est sûrement celui des Senkaku. Enfin, appeler cet archipel ainsi, c'est déjà prendre parti. Pour le Japon, en l'occurrence. Parce que la dénomination chinoise pour l'archipel, c'est Diaoyutai.
Pour faire court (parce que sinon, on n'a pas fini), la Chine a cédé au Japon ces îles après une défaite chinoise, en 1890. En 1945, au Japon d'être défait, et de perdre du territoire. On restitue alors à la Chine Taïwan (enfin, presque), mais pas les Senkaku/Diaoyutai. La querelle territoriale germe depuis, officiellement déclarée en 1971. Pour la Chine, ces îles font partie du territoire de Taïwan, qui à son tour fait partie du territoire chinois. Bon, sur le fond, elle n'a pas tort, mais si on commence à contester tous les gains/pertes dues à une guerre passée, on est mal. La France va-t-elle réclamer des parcelles de terrain à la Russie, à l'Allemagne et à presque toute l'Europe de l'est ? Non ? Bah pourtant, Napoléon avait fait le boulot, à l'époque… Les incidents se multiplient, et les deux puissances majeures d'Asie orientale montrent leurs muscles, grognent et bavent à qui mieux mieux.

On a parlé de Taïwan. Revenons-y. C'est un beau morceau, une île quand même relativement vaste. Alors déjà, on cite le fait que Taïwan ne soit pas le nom du pays. En fait, le gouvernement qui siège à Taipei, la capitale, est celui de la République de Chine. Attention, hein, pas la République populaire, juste république. Et en pleine guerre froide, pendant un temps, les pays occidentaux ne reconnaissaient que Taïwan comme seul et légitime gouvernement de toute la Chine, continentale y comprise. On saisit l'énormité de l'histoire, et les problèmes que ça peut engendrer. Aujourd'hui, Taïwan a cessé ces revendications, mais le problème reste épineux.
Les Taïwanais ont un mode de vie qui s'est rapproché de celui des Occidentaux, avec un niveau de vie et de liberté bien plus élevé que celui de la Chine continentale. Taïwan est également écrasé par la puissance chinoise, et la population se sent quelque peu menacée d'avoir ce géant pour voisin.
Ce qui n'empêche pas les investisseurs taïwanais de placer massivement leurs fonds en Chine.

Mais il y a encore plus biscornu que Taïwan, comme situation. Les îles Paracels, notamment. Il s'agit d'un archipel, toujours situé en mer de Chine, cette fois-ci revendiqué par le Viêt Nam et Taïwan.
C'est joli par ici !
Un peu d'histoire, tout d'abord.
Lors de la colonisation de la péninsule indochinoise, c'est la France qui est détentrice de ces îlots, de 1885 à 1939, date à laquelle le Japon occupe l'archipel. À la fin de la guerre, la Chine s'empare de la moitié de l'archipel, et la France récupère l'autre moitié. Peu avant de la céder de nouveau au Viêt Nam décolonisé. En 1974, la Chine conquiert l'archipel sous domination vietnamienne. Comme ça. Tranquillement.
Et depuis, on se crêpe le chignon. Pourquoi ? Après tout, ce ne sont que quelques kilomètres carrés de terres inhabitables ! Détrompez-vous ! Effectivement, on s'en tamponne la nouille du terrain, ce qui est intéressant c'est la ZEE (Zone Economique Exclusive) octroyée : gisement de pétrole et riche zone de pêche sont potentiellement à la clé !

Et on finit avec l'apothéose, le territoire le plus contesté de la mer de Chine : les îles Spratleys.
Là encore, de minables bouts de roche inhabitables et inhabités (si on exclut les troupes qui y stationnent, bien entendu).
Et là, tenez vous bien, les revendications proviennent des pays suivants : Brunei, République populaire de Chine, République de Chine(3), Malaisie, Philippines et Viêt Nam.
On a là une poudrière de toute beauté. L'enjeu est d'importance (c'est pour cela qu'il y a autant de monde au bureau des réclamations), puisque l'archipel recèle du gaz, du pétrole, et la plus riche zone poissonneuse de la région. Sans oublier bien sûr une ZEE de près de 440 000 kilomètres carrés.
Petit souci, qui vaut d'ailleurs aussi pour les Paracels, c'est qu'il est impossible de revendiquer la ZEE de récifs. Le droit international appelle récif les terres émergées sans point d'eau douce. Donc les Paracels et Spratleys.
Tous les pays suscités revendiquent l'intégralité des îlots(4), refusant tout plan de partage. Un vrai dialogue de sourds.
Pour calmer la situation, chaque pays a décidé d'occuper militairement, une partie des îles, parce qu'il est bien connu que ça ne peut qu'apaiser les tensions. C'est ainsi qu'environ 1 500 Vietnamiens, 450 Chinois, une centaine de Malaisiens, une vingtaine de Brunéiens et une centaine de Philippins sont ravitaillés dans ce qui semble être le plus grand centre aéré de la région.
On s'amuse comme on peut quand on est coincé sur une île (presque) déserte
Chacun campe sur ses positions, et c'est toujours l'occasion de faire le concours de celui qui a la plus grosse. À noter que Brunei n'est pas vraiment avantagé.
Les lopins de terre sont quand même dotés de pas moins de quatre aérodromes, ce qui en fait une destination mieux desservie que Nancy, mais on se doute bien que ce n'est pas pour le tourisme.


  1. (1) Et c'est bien normal : )
  2. (2) Oui, bon, ça ne s'est jamais produit.
  3. (3) Taïwan, pour ceux qui ne suivent pas. N'est-ce pas Cédric ? Toujours en train de roupiller au fond de la classe…
  4. (4) Oui, je devrais dire récifs, comme Cédric l'aura relevé, mais bon…