Qui n'a jamais étudié l'Histoire sans en venir à se questionner sur ce qui aurait pu arriver, ce qui aurait dû arriver ? Quantité d'événements historiques se sont déroulés de manières inattendues, provoquant l‘ascension d'un roi, la chute d'un empire, mais aurait-il pu en être autrement ? Si Jules César avait perdu à Alésia, si Napoléon avait triomphé à Waterloo, si la France avait continué la guerre après 1940, l'humanité n'en aurait-elle pas été changée ? Descartes a écrit 'Le nez de Cléopâtre, s'il eût été plus court, toute la face de la terre aurait changé. "

Ainsi est né l'uchronie, c'est-à-dire l'étude de ce qui aurait pu se passer, de ce qui aurait dû se passer. Étymologiquement, ce mot est un néologisme du XIXe siècle et s'inspire de l'utopie. Il est composé de la racine grecque « u-», qui désigne une négation, et de « chronie », mot aussi grec et dérivé du nom du dieu du temps, Chronos. Ainsi si l'utopie peut se traduire par « non-lieu » et désigne un monde parfait et irréel, alors l'uchronie est un « non-temps » et décrit un monde hors du temps.

En fait l'uchronie relève de l'Histoire et de la littérature, et il est question d'étudier ce qui aurait pu se passer, et par extension ce qui aurait dû se passer. En effet le but est de partir d'une époque de l'Histoire, et d'en changer un seul élément, pour ensuite décrire les évènements qui en découleront. Écrire une uchronie, c'est proposer une Histoire alternative. Il faut faire preuve de rigueur historique, de précision et de réalisme.

Un exemple pour illustrer tout ça. Prenons la bataille de Waterloo :

Nous sommes en 1815, Napoléon est revenu prendre le pouvoir en France, mais toute l'Europe décide de se mobiliser pour l'arrêter. L'Empereur s'illustre cependant avec plusieurs victoires et tient plus de trois mois alors qu'il est en infériorité numérique. Il arrive proche de Waterloo avec 60 000 hommes sous son commandement suprême, en face il y a 60 000 Anglais dirigés par Welligton. Napoléon sait que 30 000 Allemands du général Blücher vont charger sur son flanc droit. Il ordonne donc à un de ses maréchaux de les stopper en partant à droite. Donc la bataille s'annonce très bien coté français, Napoléon massacre les Anglais qui s'apprêtent à fuir, mais les Allemands arrivent à 30 000, n'ayant pas été retardés. Napoléon fait donner la Garde, c'est-à-dire mobilise l'élite de son armée, mais, chose improbable, elle fuit après à peine quelques coups de feu échangés. Devant cette débâcle le maréchal Ney ordonne une charge stupide de la cavalerie française, qui se fait tailler en pièce. Deux jours plus tard Napoléon abdique.

Ici on se rend compte que la bataille ne s'est pas jouée à grand-chose. SI les Allemands étaient arrivés une heure plus tard, les Anglais auraient déjà été vaincus et les Français auraient triomphés. L'élément déterminant a été que le général chargé de retenir les Allemands se soit trompé de chemin, soit parti à gauche et non à droite, contrairement aux ordres de Napoléon. Le moment où l'on passe du réel à l'irréel est appelé point de divergence. De là on va créer une uchronie. On décide que les Allemands sont bien retenus une heure :

Les Anglais sont bien vaincus, et fuient pour rembarquer. Ensuite les Allemands, en infériorité numérique sont rapidement vaincus. Napoléon décide de laisser fuir ses deux ennemis, en deux semaines il reprend Paris aux Russes en infériorité. On peut continuer à spéculer très longtemps, voire affirmer que Napoléon reprend son statut de Conquérant et défait une nouvelle fois l'Europe.

Voilà pour le long exemple, mais les possibilités sont infinies. JFK aurait pu ne pas être assassiné et aurait pu déclencher la Guerre Nucléaire. Alexandre le Grand aurait pu continuer ses guerres, l'Angleterre et la France auraient pu attaquer l'Allemagne dès 1936… Libre à vous de fantasmer à refaire l'Histoire !

Pour utiliser ce savoir lors d'un diner, il faut une conversation sur un sujet historique. Ensuite il suffit de poser une question sur ce qui aurait pu arriver, laisser quelqu'un proposer quelque chose et reprendre la parole en introduisant le concept d'uchronie. Presque personne ne connaît ce mot et il impressionne facilement ! N'hésitez pas non plus avec l'exemple de Napoléon, qu'on écoutera toujours avec attention (du moins en France ou il est très majoritairement aimé, par contre en Angleterre ou Russie c'est un sujet qui fâche).

Petit plus pour briller : la première uchronie est écrite par l'historien Tite-Live au premier siècle avant J.-C. pendant l'Antiquité romaine. Il écrit ce qui se serait passé si Alexandre le Grand avait attaqué l'Ouest et non l'Est, atteignant ainsi Rome.