La télévision nous noie sous un nombre monstrueux de shows concernant des enquêtes policières. Comme chacun sait, ces différentes séries(1) ne sont pas exemptes de nombreuses erreurs. Dans une série d'articles consacrée à ces erreurs, je tenterai de les relever dans le but non de les dénigrer mais de faire part à nos lecteurs de petites perles culturelles qui, je l'espère, seront amusantes et intéressantes !

Vous qui avez un tant soit peu de culture juridique vous demandez sans doute pourquoi, dans toutes les séries policières, le procureur est considéré comme un méchant quand on est du côté des innocents accusés à tort et un gentil(2) quand on est du côté des policiers. La raison en est très simple : aux États-Unis le procureur représente la société civile. Si notre rédacteur en chef était accusé dans l'État du Michigan de trafic d'êtres humains(3) le procès serait identifié ainsi : « État du Michigan contre Neamar(4) ». C'est la même chose en Angleterre, qui est une monarchie, d'où le nom de cette terrible affaire : « La Couronne contre Neamar(5) ». Le procureur est donc partie au procès d'une manière assez particulière : il cherche à tout prix à prouver la culpabilité de l'accusé sans quoi il a perdu le procès. Il dispose pour cela de différents moyens, notamment ceux de la police, afin de mener à bien sa mission.

En France la vérité est toute autre et il ne faut surtout pas confondre procureur français et américain. Dans le pays du fromage et du cocorico(6) le procureur est partie au procès mais uniquement pour demander une certaine peine. Il n'a pas les pouvoirs de mener l'enquête ou de délivrer des commissions rogatoires car ces pouvoirs reviennent, pour le moment en tout cas puisque la donne juridique tend à être réformée semble-t-il, au juge d'instruction. Ce dernier est chargé de mener l'enquête qui va, ou non, initier le procès. Concrètement, il utilise ses pouvoirs pour trouver des preuves et décide si oui ou non un procès est nécessaire. Si les preuves sont suffisantes, elles seront présentées au procès auquel le juge d'instruction ne participe pas, il a instruit l'enquête mais n'a pas sa place une fois le procès en lui-même initié. Si les preuves sont insuffisantes il prononce un non-lieu. Il juge à charge et à décharge et n'a pas la partialité d'un procureur anglo-saxon. Il délivre des commissions car il ne peut pas tout faire tout seul, d'où le nom « commission rogatoire » qui transfère ses pouvoirs notamment aux forces de police.

Toutefois, en France comme aux États-Unis, les experts médico-légaux ne sont jamais autorisés à participer aux interventions, arrestations, interrogatoires, poursuites et ne sont présents au procès qu'en matière d'experts qui présentent et expliquent une preuve comme tous les autres experts du procès. Si les experts étaient autorisés à travailler sous toutes ces casquettes ils n'auraient absolument aucune impartialité et le procès serait sans doute perdu pour le procureur.

Cet article ne soulève pas une incohérence dans les séries policières visées, il a pour seul objectif de bien rappeler la différence entre le droit français, sujet à la procédure inquisitoire, qui vise à enquêter avant d'accuser, d'où une présomption d'innocence, à l'inverse notamment du droit américain et anglais qui est soumis à la procédure accusatoire, qui vise à accuser et déterminer la culpabilité, d'où une présomption de culpabilité. Prenez garde lorsque vous serez jugé, le procureur n'est jamais votre ami mais le juge d'instruction oui !

Et surtout, n'oubliez jamais une chose : la télévision est un divertissement et n'a pas pour vocation d'être prise au sérieux, quel que soit le programme que vous regardez, car, comme l'a dit ce célèbre anonyme,

La télévision, c'est le chewing-gum de l'œil.

Et le chewing-gum n'a jamais nourri un homme !


  1. (1) Les plus connues restant Les Experts, NCIS, Cold Case, FBI : Portés disparus, Le Mentaliste ou encore Esprits Criminels.
  2. (2) Bien que parfois ayant très mauvais caractère.
  3. (3) Suite à l'exploitation de rédacteurs bénévoles pour un site Internet.
  4. (4) AKA l'Ignoble Neamar.
  5. (5) AKA Neamar le Magnifique.
  6. (6) J'ajoute ce dernier mot car fromage ne suffit pas à définir la France depuis que les Italiens nous menaçent avec la Mozarella et le Parmiggiano.