Quel est le rapport alphanumérique entre la capitale de la Thrace, la ville de Constantin et les stambouliotes ?
Réponse : 41° OO' 44'' N, 28° 58' 34'' E.
Soit les coordonnées de l'actuelle Istanbul.

Située sur le détroit du Bosphore, Istanbul est peut-être l'une des villes les plus riches du continent européen(1). Son histoire, pour le moins, est riche de retournements.

On ignore la date exacte de la fondation de ce qui fut la capitale de la Thrace, on sait en revanche qu'elle était située stratégiquement à l'entrée du détroit du Bosphore. Comme chacun sait, le détroit de Bosphore était, à une époque sans aéronautique, le lien maritime entre les actuelles Europe et Asie. Cette position privilégiée donnait à Byzance une mainmise absolue sur les richesses de la mer Noire et sur son commerce, directement ou indirectement car tout marchand navigateur se devait de traverser le détroit pour rejoindre soit la mer Noire, soit la mer Méditerranée, cœur du commerce de l'Antiquité. Or en traversant le détroit, d'un côté ou de l'autre, on aboutissait forcément sur la fabuleuse Byzance.

On peut supposer que c'est cette situation privilégiée qui a mené aux nombreuses batailles pour le contrôle de Byzance, si nombreuses que je ne juge pas utile de perdre le lecteur dans une avalanche de chiffres négatifs, ou on peut supposer que l'époque était propice à la guerre et aux batailles desespérées pour récupérer la moindre parcelle de territoire… Quoi qu'il en soit, Byzance fut le théatre de nombreux affrontements et passa sous le contrôle grec, puis fut indépendante avant de se soumettre à Sparte, tout cela n'intervenant qu'après une période obscure sous l'égide des rois Ioniens, vassaux des Perses…

S'il fallait évaluer la richesse d'un territoire par le nom des généraux illustres ayant tenté de se l'approprier, Byzance se disputerait sans doute les marches du podium avec la Russie. Citons pêle mêle Alcibiade, Philippe roi de Macédoine et son fils Alexandre le Grand pour les plus fameux(2)… Les noms plus ou moins célèbres se succèdent, les gouvernements aussi mais toujours Byzance retrouve son indépendance. Richesse et force militaire allant de pair, il est aisé de croire que la ville a su se défendre face aux assauts des envahisseurs, mais les récits historiques ne font pas ou peu état d'une force militaire imposante, au contraire, Byzance s'est souvent retrouvée en position de faiblesse face aux attaques incessantes de ceux qui la convoitaient ! Il faut plutôt supposer que Byzance redevenait systématiquement indépendante par la seule force de ses lois et de sa situation stratégique, de ses pots de vins et de ses richesses.

Cela fait déjà beaucoup mais cette longue histoire(3) ne concerne que l'hégémonie d'Athènes !

Car Rome, inévitable successeur historique, vient également ajouter sa touche personnelle à la richesse de la cité. Sous le joug romain, Byzance perd de sa superbe, délaissée par l'Empire (mais non par les voyageurs toujours aussi cosmopolites !), l'âge d'or de la capitale de Thrace fane et passe. À tel point qu'elle fait l'objet d'une rénovation par les empereurs du IIe siècle avant le fils de Dieu(4), entre autres cités provinciales des alentours jugées trop peu urbanisées…

Comme toujours, ce qu'un empereur romain fait, le suivant le défait et c'est ainsi qu'aux alentours de -190, après un siège opposant Byzance aux troupes de Septime Sévère, les byzantins se rendent. Sévère, qui portait décidément bien son nom, choisit de raser la ville de ses adversaires de la veille(5). La ville paraît presque à l'abandon. C'est le propre fils(6) du destructeur qui parvient à convaincre son père que la punition était trop sévère (sic) et qu'il est temps de redorer le blason de ce carrefour du Bosphore, dont la gloire passée résonne encore entre les falaises du détroit…

Après cette rénovation bienvenue et cette réhabilitation des lois privées (privilèges), la ville laisse couler les années sur ses murs fiers. Tantôt obéissante, tantôt sournoise(7), Byzance continue d'exister sans trop faire parler d'elle. La fin de l'histoire pourrait s'écrire et s'achever par un « elle vécut heureuse et eut beaucoup d'habitants », mais l'arrivée d'une centralisation géographique de l'Empire par un certain Constantin va contrarier ses plans…


  1. (1) Historiquement elle est située sur la rive est du détroit, en Europe.
  2. (2) Pausanias, Lysandre et Charès pour les oubliés de l'histoire, connus seulement des plus cultivés d'entre vous.
  3. (3) Trois paragraphes pour plusieurs siècles d'Histoire.
  4. (4) Jésus-Christ. Vous aviez vraiment besoin de lire cette note ?
  5. (5) C'est à dire qu'il élimine les opposants actifs, soldats et magistrats, qu'il détruit quelques murs et monuments et qu'il laisse la ville sans aucun privilège, tels que le vote, le commerce et d'autres.
  6. (6) Ce bon vieux Caracalla, surnommé Antoninus, qui rebaptisera la ville sur la base de ce surnom, la transformant en Antoninia, bien vite oubliée après sa mort.
  7. (7) Notamment lorsqu'elle laisse libre passage aux envahisseurs d'Orient en échange de la sauvegarde de ses murs et de ses habitants…

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