Tirer à boulet rouge
D'où vient l'expression tirer à boulets rouges ?
Tout fidèle lecteur omnilogiste, mécontent d'une proposition ou d'une décision, a sans doute un jour ou l'autre tiré à boulets rouges sur l'auteur de sa vindicte.
L'origine de l'expression est assez limpide, mais mérite toutefois que l'on s'y arrête quelques instants.
L'Homme étant toujours prompt à massacrer son prochain, l'évolution des armes est toujours allée dans un sens de destruction plus puissant.
Ainsi, les canons tirent donc des boulets en pierre, qui remplacent déjà les pierres brutes projetées par les trébuchets et autres catapultes.
Au milieu du XVe siècle, ce sont des boulets en fonte qui sont utilisés. Vient alors l'idée d'accroître leur effet destructeur, notamment lorsqu'ils sont destinés à couler des navires de la flotte ennemie. Quoi de mieux alors que de lancer des boulets chauffés au rouge. Outre l'effet destructeur, classique, ils ne manqueront pas en outre de mettre le feu au navire tout de bois construit, et recelant peut être en ses cales moult barils de poudre !
Il convient donc de créer le four à boulets rouges, dont il reste une dizaine d'exemplaires en France, dont deux sur la paisible île Saint Honorat, appartenant à la communauté des moines cisterciens.
Si la forme des fours était variable, le principe était quant à lui constant.
Il convenait de chauffer à une température de 900° le boulet de « fer coulé »(1), dont une dizaine d'entre eux se trouvaient dans un ou plusieurs tunnels inclinés sous lesquels, ou à côté desquels, se trouvait le foyer de chauffe, en une heure environ. Un boulet pouvait être tiré toutes les 15 à 30 minutes.
Voici la consigne : « mettre et tasser la charge de poudre, disposer un bouchon de foin humide ou de terre glaise, viser, introduire un boulet chauffé à rouge avec des pinces, tirer ».
On estime la portée du boulet à 2 000 mètres environ, avec une précision toute relative. Mais une fois encore, montrer sa force préserve parfois la Paix : le simple fait de voir la fumée des fours à boulets judicieusement placés incitait parfois la flotte ennemie à passer son chemin.
Et malheur à celui qui était touché !
- (1) ↑ Autre nom de la fonte