Dans les récits bibliques, les larmes masculines ne sont ni spécifiquement héroïques, comme chez Homère, ni profondément honteuses, comme le voulait Platon. Elles sont dans l'ensemble valorisées mais se situent sur un plan différent. En voici un petit nombre d'exemples (concision oblige) :

Dans le Deuxième Livre de Samuel, David pleure la mort de Saül et de Jonathan puis celle d'Abner. Le Livre de Jérémie contient d'innombrables lamentations(1). Dans le Nouveau Testament, Jésus verse des larmes à plusieurs reprises : devant le tombeau de Lazare, le frère de Marthe et Marie, ou encore à son entrée dans Jérusalem où il pleure sur la ruine future de la ville.

Ces larmes de deuil et de compassion ne sont pas considérées comme des témoignages de faiblesse : elles apparaissent plutôt comme la manifestation d'une douleur sincère ou d'une capacité à ressentir soi-même une partie de la souffrance d'autrui.

Mais les héros d'Homère pleurent aussi leurs morts et n'ignorent pas complètement la compassion (en restituant le corps d'Hector à Priam et en partageant sa peine, Achille éprouve un sentiment de pitié pour le vieil homme).

Dans la Bible pourtant, les larmes ont une dimension spirituelle qui n'existait pas dans l'épopée : l'épisode des reniements de Pierre le montre bien. Après l'arrestation de Jésus, l'apôtre affirme, à trois reprises, ne pas le connaître. Il entend le chant du coq et se rappelle alors que le Christ lui avait prédit qu'il l'aurait déjà renié trois fois avant que le coq n'ait chanté deux fois. À ce souvenir, il se met à pleurer. Les larmes de Pierre expriment le repentir, la culpabilité mais aussi, en arrière-plan, la possibilité d'un pardon et d'une rédemption spirituelle : toutes notions centrales dans le christianisme (on aime ou on n'aime pas) et qui le distingue si notablement de la pensée païenne.


  1. (1) D'où, d'ailleurs, le terme jérémiades (c'était l'instant culturel !).