Ah ! Le sport ! Voir les plus grands joueurs du monde gambader gaiement sur la pelouse verdoyante d'un stade en émoi, quoi de plus beau ?
Adoptant des stratégies des plus complexes, ces dieux du stade, plus que de simples athlètes, sont aussi des modèles de fair-play, d'amitié et d'intelligence. Mais saviez-vous que ces surhommes maniaient aussi bien la politique que le ballon ?
Eh, là aussi, il leur arrive d'exceller. Leur verve et leur rhétorique emballent le peuple, et ils s'érigent par leurs capacités hors du commun en leaders, promoteurs des valeurs humaines les plus nobles.

Bon, fini de plaisanter.

Le football, ce sport bien connu pour sa simplicité de jeu(1), rassemblant des foules en délire, peut mener à toutes les extrémités. Et ce ne sont pas les Honduriens ou les Salvadoriens qui me contrediront !

C'est en effet entre ces deux pays qu'a éclaté la guerre du football, en juillet 1969. Non, il ne s'agit pas de Hooligans déchaînés qui ont pris les armes pour se taper dessus(2) !

Tout d'abord, il faut savoir que ces deux pays, frontaliers, avaient depuis quelques années de légers contentieux qui n'ont fait qu'aller croissant, à cause d'un exode salvadorien massif. Les paysans allaient cultiver la terre hondurienne, qui n'était pas, elle, accaparée par une oligarchie toute-puissante.

Ce n'est pas d'un bon œil que les Honduriens voyaient des hordes salvadoriennes comme envahissantes, comme une colonisation économique, et le pouvoir au Honduras a commencé à prendre des mesures restrictives pour ces occupants.

Nous passerons sur les multiples influences qui ont participé à l'accumulation de tensions pendant plus d'une décennie entre les deux pays. Sachez tout de même qu'interviennent pêle-mêle dans l'histoire une compagnie de bananes américaine (United Fruit Company(3)), la surpopulation salvadorienne, des Sleeping Beauties (belles au bois dormant), le marché commun centraméricain, des grèves d'enseignants…

Mais quel rapport avec notre guerre du foot(4) ? Eh bien, sur cet arrière-plan houleux se sont déroulés les matchs éliminatoires pour la coupe du monde de 1969, qui avait lieu au Mexique.

Et bien sûr, l'un des matchs de barrage opposait Honduras et Salvador. Le match aller avait lieu le 8 juin 1969, à Tegucigalpa(5). Les supporters honduriens, malins, ont compris la méthode : envoyant des cailloux sur les vitres de l'hôtel de l'équipe adverse, ils les ont empêchés de dormir.

Éreintés, les Salvadoriens s'inclinent 1 à 0. Le revers est un coup porté à la nation, et une jeune supportrice(6) se porte un coup au cœur par la même occasion. Ses funérailles sont déclarées nationales. L'émoi est grand, le drame est une atteinte à la dignité du pays.

Mais, lors du match retour, les Salvadoriens ne furent pas en reste, et les joueurs passèrent une belle nuit blanche. Aucun rapport avec la belle au bois dormant, bien sûr.
Le Salvador s'imposa 3 à 0, dans un contexte des plus tendus. Le drapeau de l'adversaire fut brûlé et remplacé par un torchon, on conspua l'hymne hondurien… Deux morts furent recensés, ainsi que de nombreux blessés.

Bref, à ce stade(7), les tensions étaient au plus haut. Un nouveau match (dit match d'appui) dut être organisé (cette fois à Mexico, pour éviter toute tension(8)). Les supporters des deux nations avaient été séparés par 5 000 policiers mexicains dans le stade. Finalement, le Salvador s'impose 3 à 2.

On l'a, notre guerre. Le dictateur salvadorien en profite pour régler son petit contentieux, et les incidents se multiplient. On largue une bombe sur Tegucigalpa(9), et pendant 100 heures à compter du 4 juillet, l'armée entre dans l'arène(10).
Les hostilités font 2 000 morts et déplacent 50 000 personnes. Les troupes salvadoriennes furent contraintes de se retirer sous la pression de l'Organisation des États américains, mais le traité de paix ne fut signé qu'en 1980.

Ne vous moquez pas de cette guerre risible, parce qu'avouez que la France a failli déclarer la guerre à l'Italie après un certain coup de boule…

Voilà voilà, alors, comment conclure ?
Eh bien en disant que le Salvador s'est finalement qualifié pour la coupe du Monde du Mexique, en remportant par la suite son match d'appui contre Haïti. Ce fut une belle épopée, mais le Salvador perdit 3-0 (contre la Belgique), 4-0 (contre le Mexique) et enfin 2-0 (contre l'URSS).

Tout ça pour dire qu'il faut se calmer parfois, hein…


  1. (1) Eh ! Mais les hors-jeu, c'est compliqué !
  2. (2) Même si ce scénario paraît particulièrement plausible
  3. (3) Ça ressemble étrangement à United States of America, vous ne trouvez pas ?
  4. (4) Ça fait cinq minutes que je me pose la question !
  5. (5) Capitale du Honduras, évidemment ! Pfff…
  6. (6) Salvadorienne, donc. Tu suis ou pas ? ?
  7. (7) Lol
  8. (8) Ça a échoué…
  9. (9) Hum ?
  10. (10) Ce n'est même plus un stade : )