Des problèmes métaphysiques et des expériences de pensée, il y en a un paquet, comme le célèbre exemple du chat de Schrödinger. Mais celui que je préfère est probablement celui de l'arbre tombant(1). Il s'énonce comme-ci :

Si un arbre tombe dans une forêt sans personne aux alentours pour l'entendre, celui-ci fait-il du bruit ?

Alors ? On fait moins les malins, hein ? Ah, bravo ! Pour déterminer si un chat est mort ou vivant sans le voir, y a du monde, mais pour ce qui est de déterminer si un arbre fait du bruit ou non sans l'entendre, plus personne !

Tiens, je viens de donner la clé du problème, ou du moins le point d'équilibre sur lequel cet énoncé balance : le bruit, est-ce ce que l'on définit comme un mécanisme physique ou plutôt est-ce la sensation sonore que l'on perçoit ? À vous de trancher, je ne vous aide pas.

Bien, je vous vois en difficulté(2), j'accepte gracieusement de vous venir en aide. Le son, au sens physique, est une onde mécanique : une perturbation qui se propage dans un milieu. Le son, au sens physiologique, c'est la sensation sonore, la perception mécanique et l'analyse neurologique faite par notre cerveau de l'onde sonore (physique) après que celle-ci ait fait vibrer les différents éléments de l'oreille.

Ainsi, on peut considérer que l'arbre qui tombe n'émet aucun son puisque celui-ci n'est perçu par personne ; bien que sa chute provoque une onde sonore(3). Quoique.. si personne n'est là pour l'entendre cette onde, comment peut-on être sûr qu'elle a été produite ? Qu'elle existe ? En reformulant le problème, on obtient : le bruit de l'arbre qui tombe existe-t-il s'il n'est pas entendu ?

Ce problème illustre parfaitement la relation difficile qui existe – ou n'existe pas – entre perception et réalité. La réalité dirait que l'arbre fait du bruit en tombant, la perception rétorque qu'il n'y a pas de bruit puisqu'elle ne peut témoigner de l'existence du son – même si votre perception est d'une excellente qualité.

Vous avez maintenant les bases pour lancer un débat passionné au cours de votre prochain repas de famille, j'ai fait mon travail. Pour amuser la galerie, précisez tout de même que ce problème a été parodié sous la forme suivante :

Si un arbre tombe dans une forêt sans personne aux alentours pour l'entendre, où sont-ils ?

— The Royal Canadian Air Farce

Bah, franchement ? Vous avez quoi de mieux à faire à part écouter des arbres tomber ? Lire des omnilogismes plus passionnants ? Vous êtes excusés.

Enfin, un dernier proverbe, au sens tout autre, qui vous permettra de pousser encore plus loin la réflexion :

Un arbre qui tombe fait plus de bruit qu'une forêt qui pousse.

Je vous laisse deux heures. Et je ne veux plus rien entendre.


  1. (1) Écoutez bien mes explications, ce serait véritablement ironique si celles-ci tombaient dans l'oreille d'un sourd.
  2. (2) Ou en état de béatitude avancé.
  3. (3) Un BOUM quoi, un arbre qui tombe.