L'Inquisition, institution qui évoque à nos oreilles les sombres cachots, la torture, les bûchers, la terreur de masse… La réalité corrobore-t-elle ce tableau ?

L'Inquisition est une juridiction née au début du XIIIe siècle, alors que le catharisme venait d'atteindre son apogée dans le Midi de la France. En 1231, le pape Grégoire IX publie la constitution Excommunicamus, l'acte véritablement fondateur de l'Inquisition. Les juges, essentiellement dominicains et franciscains (ordres mendiants) sont des itinérants, parcourant villes et villages pour extirper l'hérésie. D'une manière générale ils suscitent la crainte : il ne faut pas croire pour autant que la population sympathisait avec les hérétiques ! Au contraire, l'hérésie est perçue comme un mal social et les inquisiteurs reçoivent le soutien de la majeure partie de la population !

Durant une période de deux semaines à un mois appelée « édit de grâce », les hérétiques peuvent se rétracter et ne bénéficient généralement d'aucune peine ou une peine légère. Une fois le délai passé, ceux-ci peuvent avoir affaire aux tribunaux inquisitoriaux. L'Inquisition se révèle alors comme une justice paperassière et bien en avance sur son temps (interrogation de témoins, liste des ennemis personnels de l'accusé, procédures d'anonymat, quelquefois un avocat). Les peines sont bien plus légères que ce que l'on pourrait attendre : amende, pèlerinage, imposition de croix, etc. Les bûchers et exécutions restent rares, de même pour la torture (largement utilisée alors dans le cadre de la justice laïque).

Un exemple pour terminer : Bernard Gui, inquisiteur célèbre qui vécut entre 1261 et 1331. Installé à Toulouse, il prononce sur une période de 15 ans 633 sentences, soit 42 par an. Sur ces nombreuses décisions, il y eut 307 condamnations à de la prison, 153 peines mineures (amendes, port de croix…), 89 peines contre des morts et seulement 41 personnes sont remises à la justice laïque (peine de mort).

Aujourd'hui, la grande majorité des historiens médiévistes (J. Heers, R. Pernoud, J.-L. Biget…) récusent la vision sanglante de l'Inquisition qui persiste malgré tout dans l'imagerie populaire.