C'est qui qui a le plus de mégapixels ?
Faut-il acheter plus de mégapixels ?
On appuie sur le bouton et hop nous voilà avec une belle photo, bien nette et haute en couleurs. Facile ? Pour vous, oui. Mais en réalité c'est une véritable épreuve de faire un appareil photo de qualité. Retraçons le parcours de la lumière du sujet jusqu'au capteur.
À travers le récit épique d'un rayon lumineux, cet article tente d'expliquer grossièrement comment fonctionne un appareil photo numérique et pourquoi ce n'est pas l'appareil photo qui a le plus de pixels qui est le meilleur, loin de là.
La première lentille et les aberrations
Le sujet émet de la lumière qui arrive sur la première lentille. Le principe d'une lentille optique est faire converger ou diverger la lumière (dans notre cas converger bien sûr). En pratique les différentes longueurs d'onde de la lumière (les différentes couleurs) ne convergent pas de la même façon. L'indice de réfraction du matériau composant les lentilles varie en fonction de la longueur d'onde de la lumière qui les traverse.
Il en résulte une distance focale variable, de sorte que la mise au point ne peut être effectuée simultanément pour toutes les couleurs du spectre. Si, par exemple, la mise au point est effectuée pour le rouge, le vert et le bleu sont alors un peu flous : l'image d'un objet blanc présente sur ses bords une irisation bleutée. On appelle cela une aberration chromatique.
Mais ce n'est pas tout, dans les équations d'optique géométrique la lumière converge parfaitement. Dans la réalité les lentilles ne peuvent pas être parfaite. Leur convexité n'est pas parfaite et leur homogénéité ne l'est pas non plus. Une lentille réelle ne possède donc pas les propriétés d'isotropie d'une lentille théorique. Il en résulte différentes sortes d'aberrations géométriques. Pour faire simple, tous les rayons lumineux ne convergent pas au même endroit.
Par exemple dans l'aberration sphérique les rayons provenant du bord et du centre de l'optique ne se focalisent (convergent) pas au même point. Le point image attendu sera remplacé par un halo plus ou moins flou.
Cumulons les aberrations chromatiques et les aberrations géométriques ; nous avions un point lumineux, nous avons maintenant une tâche floue aux couleurs séparées. De plus un objectif comporte plusieurs lentilles. L'effet s'amplifie… catastrophe !
Notre rayon (qui n'en est plus un) arrive maintenant au diaphragme.
Le diaphragme et la diffraction
Le diaphragme dont je vous ai parlé dans le premier article de la série est assimilable à un petit trou. Et quand la lumière passe dans un petit trou il se passe un phénomène de diffraction du fait de la nature ondulatoire de la lumière. La lumière passant par l'ouverture du diaphragme est diffractée. Plus l'ouverture est faible, plus le phénomène sera sensible.
Comme le montre le schéma ci-dessus, à partir d'un point lumineux nous obtenons une tâches floue, voire plusieurs tâches concentriques. Or nous avions déjà une tâche au lieu d'un point. On peut aisément imaginer qu'à la fin de mon histoire on aura quelque chose de vraiment pas très net.
Nous arrivons justement vers la fin de l'histoire. Nous voici au capteur.
Le capteur, la répartition finale
Le capteur dispose d'un réseau de millions de pixels minuscules pour produire l'image finale. Ces pixels sont de petites cavités qui comptent le nombre de photons.
Une cavité est incapable de distinguer la couleur. Une cavité compte des photons c'est tout. Cela a pour conséquence de n'enregistrer que des images en niveaux de gris. Pour capturer des images en couleur, chaque cavité doit disposer d'un filtre placé sur elle qui ne permet la pénétration que d'une couleur particulière issue de la lumière. Pratiquement tous les appareils numériques actuels ne peuvent capturer que l'une des trois couleurs primaires dans chaque cavité, et ils se débarrassent d'environ 2/3 de la lumière entrante. En conséquence, l'appareil doit rapprocher les deux autres couleurs primaires pour disposer des informations sur les trois couleurs à chaque pixel. Le format le plus courant de matrice de filtre de couleur est appelé matrice de Bayer.
Une matrice (ou mosaïque) de Bayer consiste à alterner des rangées de filtres de rouge-vert et de bleu-vert(1). Comme il faut 3 photo-sites pour faire un pixel de couleurs il faut répartir la lumière sur les différentes cavités. C'est le rôle du filtre passe-bas (2). Le principe de ce filtre est d'étaler la lumière qui arrive sur un sous-pixel pour qu'elle recouvre un pixel entier.
Rappelons-nous que nous avions une tâche de lumière floue, il faut donc encore « l'étaler » un peu. Sachant que la tâche est floue à ce stade on ne sait plus trop quelle cavité reçoit la lumière de quel point original. Tout ça se mélange. Pour faire simple nous « éclaboussons » plein de photo-sites. La lumière « bave » sur les côtés.
Conclusion
La qualité d'un appareil photo numérique est liée à la taille de la surface de son capteur. En effet, disposer 12 millions de photo-sites sur le minuscule capteur d'un appareil compact conduit à réduire la taille de ces photo-sites. Or, nous avons vu qu'un point lumineux arrivait au capteur non pas comme un point mais comme une tâche pour différentes raisons. Si la taille de la tâche est plus petite que le photo-site c'est bon. Le capteur capte bien un point. Si la taille de la tâche est plus grande que le photo-site ce qui n'était sensé être qu'un point va « baver » sur les photo-sites d'à coté. Si les photo-sites sont petits (beaucoup de pixels) l'image peut être plus mauvaise qu'avec un appareil qui à moins de pixels mais des pixels plus grands. Ajoutons à cela que si les pixels sont petits, il y a moins de lumière qui pénètre dedans et il faut monter en ISO ce qui a pour conséquence de détruire la qualité de l'image.
L'image ci-dessus compare le rendu à 100 % d'un compact 12 Mpx et d'un reflex 12 Mpx
Les millions de pixels sont trop souvent présentés à tort comme un gage de qualité ou un critère déterminant du choix d'un appareil photo numérique sous prétexte qu'avec plus de pixels on a plus de détails. Il s'agit ici d'un pur argument commercial. Avec 15 millions de pixels sur un compact vous ne tirerez jamais vos photos au format poster. Avec 10 million de pixels sur un réflexe haut de gamme c'est probablement possible car le capteur est beaucoup plus grand et les lentilles de bien meilleure qualité.
Riez, bonnes gens, riez au nez du prochain vendeur qui tentera de vous arnaquer avec le nouveau compact 1010 Mpx qui permet, supposément, de faire des tirages format planétaire.