Les deux servent à mesurer le temps. Les deux ont plus de mille ans, les deux se ressemblent, mais les deux ne fonctionnent pas du tout de la même manière : saurez-vous distinguer la clepsydre du sablier ?

Une clepsydre(1) est un réservoir contenant de l'eau, et troué à sa base : en mesurant l'eau qu'il reste dans le réservoir, on sait combien de temps s'est passé. Un sablier(2), tout le monde en a déjà vu, et tout le monde sait que c'est composé de sable, ou tout autre poudre suffisamment fine. Comme pour la clepsydre, il suffit de voir combien de sable s'est écoulé pour en déduire combien de temps s'est passé.
Pour faire simple, la clepsydre mesure l'écoulement de l'eau, et le sablier l'écoulement du sable.

J'espère que vous admirerez mes compétences en création d'image. À gauche la clepsydre, à droite le sablier.

Mais la clepsydre est loin d'être un simple sablier à eau. En effet, le débit d'eau dans une clepsydre(3) dépend de la hauteur de l'eau. C'est le théorème de Bernouilli : plus il y a de hauteur d'eau, plus la pression en bas est élevée, et plus l'eau sort vite. Logique. Du coup, pour rendre compte de ce phénomène, les graduations d'une clepsydre ne sont pas régulièrement espacées. Alors que sur un sablier, la vitesse d'écoulement est constante, et donc les graduations sont régulièrement espacées(4).

Chaque graduation représente un même intervalle de temps. D'après mes calculs, dans une clepsydre droite (comme celle de l'image), il existe une relation polynomiale entre V, le volume d'eau dans la clepsydre, et t, le temps écoulé : V = at² + bt +c, où a, b et c dépendent notamment de la taille du trou.

Comment cela se fait-ce ?, me demanderez-vous. En fait, la physique du sable est complètement différente de la physique des liquides(5). En effet, le sable qui s'accumule autour du trou du sablier va avoir tendance à former des arches. Ces arches vont alors répartir la pression sur les parois du sablier, ce qui fait qu'à proximité du trou, la pression est à peu près constante(6). Par conséquent, le sable tombe à une vitesse régulière, suivant la loi de Beverloo.

Les arches se font et se défont au fur et à mesure, sous l'effet de la pression. C'est pour cette raison que le sable ne s'arrête pas de tomber.

Comme vous le voyez, la science a réponse à toutes les questions que l'on peut se poser. Mais encore mieux, la science a aussi réponse aux questions qu'on ne s'était jamais posées. Par exemple, la science pourra vous expliquer que contrairement à la clepsydre, le sablier ne fonctionnera plus si on le remplit de cidre, et vous expliquera même pourquoi le sablier ne coulera pas tout de suite si on le met dans une clepsydre, que cette dernière soit remplie de cidre ou non.

Et moi, franchement, je trouve ça beau.

Vous ne croyiez quand même pas que je n'allais pas faire le jeu de mots à base de clepsydre et de cidre, si ?


  1. (1) La plus ancienne clepsydre retrouvée à ce jour est égyptienne, et date de 1400 avant notre ère.
  2. (2) Les plus anciennes traces de sablier sont quant à elles européennes et datent du Xe siècle.
  3. (3) Et partout ailleurs, en fait.
  4. (4) Attention, cette histoire de répartition des graduations n'est vraie que si les parois sont droites (verticales) ! Sinon, ça devient plus compliqué.
  5. (5) Et beaucoup plus compliquée aussi… Je ne fais ici que recopier des réponses trouvées un peu partout sur le net, je n'ai rien calculé ou vérifié par moi-même. Cela dit, vous constaterez que les sources citées sont largement assez sérieuses.
  6. (6) Détail amusant, les foules fonctionnent de la même manière : même si beaucoup de gens poussent pour sortir plus vite, ça ne changera en rien la vitesse de sortie moyenne (toute la pression est reportée sur les murs adjacents à la sortie). Cela dit, bon courage pour expliquer ça aux groupies du concert auquel vous assistez.