Salut à toi, lecteur toujours fidèle !
Salut à toi, lecteur occasionnel !
Salut à toi, lecteur qu'on dépucelle !
Salut à toi, quatrième rime en [Ɛl](1) !

Ah, mon cher lectorat ! Je doute que vous sachiez à quel point les mains expertes de Phailin sont merveilleuses pour le soulagement des vertèbres douloureuses. J'ai mis plusieurs années à la dénicher, cachée au fin fond de la jungle birmane, encore jeune et fraîche apprentie de sa grand-tante aux arts délicats et secrets du massage à l'huile parfumée(2). Quel délice de sentir ces mains douces et expertes attendrir mes épaules et mon dos au son cristallin de sa voix divine entonnant(3) presque inconsciemment les antiques chants d'apaisement de ses ancêtres dans la moiteur épaisse de sa maison de Nyaungshwe embaumée des vapeurs entêtantes(4) d'encens rares et seulement illuminée de bougies cérémonielles dont les flammes vacillantes et chaudes faisaient ressortir avec beauté les tons carmins des tentures légères disposées avec goût dans la pièce(5).

Je peux vous dire que ça vaut le voyage ! que je fais tous les premier et troisième mardis de chaque mois.

Premier et troisième ? Mardis ? Hmmm… me voilà bien embêté. Suis-je dans le faux ? Mes accords me paraissent corrects, mais le peu d'usage que je fais de ce genre de formulation me met en grand désarroi. Qu'à cela ne tienne, allons de ce pas vérifier cette phrase !

Blablabla… Ah ! Voilà, c'est ici. Youpi ! J'ai bien accordé !

Et vous, l'auriez-vous bien fait ? Auriez-vous mis ce « s » à « mardis » ? Auriez-vous laissé « premier » et « troisième » au singulier ? Non ? M'étonne pas.

Allez, je suis d'humeur joyeuse aujourd'hui, je viens d'acquérir une distillerie dans le nord de l'Écosse et 1 600 bouteilles de whisky 40 ans d'âge sont en chemin vers mon domicile. Je vais donc vous expliquer à grand renfort d'exemples simples et distrayants l'art et la manière d'accorder en nombre les jours de la semaine et les mots s'y rapportant.

Tout est une question de durée et d'occurrence. Une fois cette simple notion assimilée, tout sera plus clair. Alors, allez-y, à mon top, vous assimilez.

TOP !

Ayé ? Tout le monde a assimilé ? Parfait !

L'accord en nombre des jours et adjectifs dépend entièrement du nombre d'occurrence des-dits jours dans le période de temps dont vous parlez. Voici quelques tranches de vie exemplaires saupoudrées d'explications :

  • Je mange au Hilton avec le Directeur Général de la BNP tous les lundis.

Vous remarquez ici le pluriel de « lundi ». La période de temps ici définie étant… infinie, les lundis sont innombrables.

  • Les premier et troisième jeudis de novembre, je suis allé arbitrer un match de beach-volley à Copa Cabana.

“Les premier” ‽ quelle forme abjecte ! et néanmoins correcte. Ressortez donc de vos circonvolutions endormies le résultat de l'assimilation précédente : tout est une question de durée et d'occurrence.
Je m'explique, car j'en vois certains commencer à baver : le mois de novembre, comme la plupart des mois, comporte plusieurs jeudis, d'où la forme pluriel de ce terme puisque nous en citions deux, le premier et le troisième. L'astuce, ici, est qu'au mois de novembre, il n'y a qu'un premier jeudi et un troisième jeudi, d'où le singulier. J'eus pu dire “Tous les second et quatrième jeudis de chaque mois”, l'explication reste la même.

  • Tous les mardis matin et tous les vendredis soir, je m'octroie une séance de cinéma, sans oublier de réserver la salle pour mes amis et moi afin de ne pas être importunés par le commun.

Et je vous assure que c'est très agréable ! Mais trêves de billevesées, reprenons notre cours. “Matin” et “soir” sont au singulier, alors que “mardis” et “vendredis” sont au pluriel. Pourquoi ? Simplement parce qu'il n'y a qu'un matin (et respectivement qu'un soir) dans chaque journée !

Un dernier pour la route !

  • Les premier et deuxième jeudis soir de chaque mois, je soumets un article à OmniScient(6).

Certes, j'eus pu n'utiliser que cet exemple pour vous faire comprendre l'entièreté de la leçon, mais je sais que vos cerveaux matinaux peinent à la comprenette. Néanmoins, lectorat gentil, la lecture des précédents exemples et des explications attenantes a dû vous faire vous écrier : « En voilà une phrase propre et nette, tant grammaticalement qu'orthographiquement ! Je suis fort aise d'avoir dans mon bagage intellectuel les informations nécessaires à faire cette assertion. Merci Omnilogie(7) ! »
Pour les retardataires de l'assimilation, un petit résumé :

  • La période de temps considérée est le mois.
  • Il n'y a qu'un soir par jeudi.
  • Il n'y a qu'un seul « premier jeudi » par mois de même qu'un seul « deuxième jeudi ».
  • Il y a deux jeudis en jeu.
  • « Les premier et deuxième jeudis soir de chaque mois » est une formule correcte.

Voilà, cher lectorat, votre bagage est plus lourd, mais votre esprit entame son voyage vers les hautes sphères peuplées de gens qui savent écrire français.
Bon, je vous laisse, mes bouteilles viennent d'arriver, les invités ne vont pas tarder, Félicien n'a pas sorti les flûtes à champagne et j'ai encore un nœud papillon à faire.
À un de ces jours(8) !


  1. (1)
    — Holy Djizeusse !
    — Il est de retour !
    — Je me demande bien où il a pu passer.
    — Il devait hiberner.
    — Hiberner ?
    — Oui, tu sais, rester à pioncer toute la journée cloîtré chez soi et ne se lever que pour manger et ch…
    — Ah, oui ! Il a glandé, quoi.
    — C'est une façon de voir les choses, oui.
    — Bon, c'pas tout ça, mais c'est encore l'hiver, là.
    — Oui, il faudrait penser à se réchauffer.
    — Tu penses à la même chose que moi ?
    — TO THE PUB !

  2. (2) Inspirez.
  3. (3) Allez ! tenez bon !
  4. (4) C'est bientôt fini ! Ne vous évanouissez pas.
  5. (5) Si certains d'entre vous se sont évanouis par manque d'oxygène, je conseille à ceux qui restent d'appeler un médecin.
  6. (6) Je rappelle que ces phrases sont là à titre d'exemple. Elles sont pour la plupart basées sur des faits réels, mais ne sauraient en aucun cas être de fidèles reflets de la réalité. Faut pas déconner.
  7. (7) Ou  “Gnnnirfff.”  si, comme moi, vous ne pouvez articuler convenablement qu'à partir de 11 h et cinq cafés.
  8. (8) Mais pas chez moi, j'ai fait cirer le parquet.