Peinture et plafond
Comment peindre le plafond de la Chapelle Sixtine ?
Mettez-vous un peu à la place de Michel-Ange (1475-1564)… Vous êtes un génie de la peinture, plus personne ne remet cela en doute. Tant et si bien qu'on vous propose de relever un défi titanesque : peindre le plafond de la chapelle Sixtine. Vous venez de signer le contrat et vous êtes là, les bras ballants, au milieu de la chapelle, le regard tourné vers la voûte située plus de 20 mètres au-dessus de vous. Vous vous surprenez à penser tout haut, et votre magnifique accent italien raisonne dans toute l'église.
– Ma ! Mé poulquoi yé accepté cé contlat dé melde, moi ! Yé souis oune scoulpteur, pas oune peintle !
Car la tâche qui vous attend sera rude ! Premier défi de taille à relever : la courbure du plafond. Eh oui, il faudra vous y faire, aucune surface plane à l'horizon ! Ce p* ! @^% de plafond est un cylindre parfait, truffé de fenêtres, de voûtes et de contre-voûtes ! Il vous faudra jouer serré pour compenser la courbure en déformant vos personnages pour qu'ils paraissent naturels aux yeux des spectateurs qui auront les pieds ancrés sur le plancher des vaches et pour tirer le meilleur parti des coins et des recoins.
Vous commencez à avoir à un torticolis à regarder depuis deux heures au-dessus de votre tête. Vous vous allongez donc sur le dos au centre de la pièce. Il a beau faire une chaleur étouffante dehors, le contact avec le marbre froid sur votre corps vous fait frissonner. À moins que ces frissons ne soient le signe de votre anxiété grandissante ?
Ça y est, vous êtes parvenus à vous faire mentalement une petite idée des personnages que vous allez peindre. Mais reste à trouver LA solution pour vous permettre de vous suspendre à 20 mètres au-dessus du sol ! Vous n'êtes pas un génie pour rien et vous trouvez rapidement la solution : la forme de la pièce rend impossible l'usage d'un échafaudage traditionnel ? Qu'à cela ne tienne, vous, vous ne faites rien comme tout le monde ! En deux temps trois mouvements, vous concevez un échafaudage suspendu complexe placé sur des rails et ancré dans la partie haute des murs. Grâce à votre ingénieux système, il vous sera possible en deux tours de manivelle de vous déplacer où vous voulez sur le plafond ! Peut-être pensez-vous alors – non sans une pointe d'ironie – à tous ces passants qui viendront admirer votre œuvre dans 500 ans et dont les plus avertis remarqueront les trous dans les murs dont vous vous êtes servis pour fixer solidement la structure…
Vous y voilà ! Un pinceau dans une main, une palette dans l'autre, vous êtes perché sur votre promontoire. Forcément, le nez collé contre la voûte, il vous est très difficile de vous faire une idée précise des proportions des personnages ! Comme vous avez plus d'un tour dans votre sac, vous avez une idée fort ingénieuse. Vous vous emparez de longues ficelles, vous les imprégnez de craie de couleur et vous vous fabriquez un cordeau de fortune. Avec un ou deux de vos assistants, il vous suffit alors de quadriller la surface de travail en plaquant la ficelle contre la voûte ! Et dire que ce geste tout simple sera encore utilisé au XXIe siècle par les maçons les plus aguerris ! Un bout de ficelle et de la craie, on n'a jamais rien trouvé de mieux… Bon, d'accord, un bon pointeur laser aurait pu bien vous faciliter la tâche mais chut… vous n'êtes même pas censés savoir que cela sera inventé un jour !
Cette fois, vous n'avez plus aucune excuse. Vous venez de relever intelligemment tous les obstacles qui s'opposaient à l'accomplissement de votre chef d'œuvre.
Maintenant, il ne reste plus qu'à vous retrousser les manches, à vous armer de patience et à faire parler votre génie !