Aujourd'hui, nous allons parler de nos amis les mille-pattes, ces petites bestioles rampantes dotées de multiples membres.

Tout d'abord, faisons sauter les préjugés : les mille-pattes ne sont pas des insectes et n'ont pas mille pattes ! Ce sont plutôt des myriapodes. Dans l'embranchement (ou phylum) des arthropodes, vous pourrez trouver le sous-embranchement des hexapodes (dont font partie les insectes), c'est-à-dire des arthropodes à six pattes(1). À côté, vous remarquerez le sous-embranchement qui nous concerne, les myriapodes.
Les plus hellénistes d'entre vous auront remarqué l'origine du mot : grecque, cela va de soi ! Le mot myriapode vient de μύριος, soit murios (dix mille) en alphabet latin, et de ποῦς, pous soit podos, le pied. Ainsi, on retrouve une étymologie quasi-similaire au nom actuel, bien qu'il soit, comme nous allons le voir, très générique.

Les myriapodes sont séparés en quatre classes : les symphyles (Symphyla), les chilopodes (Chilopoda), les diplopodes (Diplopoda) et les pauropodes (Pauropoda).

Voyons tout d'abord les caractéristiques communes à tous ces arthropodes. Le corps des myriapodes est découpé par de petits segments dits postcéphaliques, c'est-à-dire situés après la tête. Celle-ci possède, comme chez tous les arthropodes, une paire d'antennes, quatre paires de mandibules et deux paires de mâchoires.
Les différentes classes ont pourtant des différences assez variées :

  • Individu mâle de scutigurelle, famille des <em>Scutigerellidæ</em>
    Les symphyles : ils ont une douzaine de paires de pattes et, comme tous les myriapodes, ils en ont une par segment. Il en existe 150 espèces, mais ils restent malheureusement peu connus des gens.

  • Un pauropode
    Les pauropodes : eux aussi sont méconnus, car relativement peu remarquables dans la nature : d'une couleur plutôt pâle, ils sont très petits (environ 5 mm) et sont souvent confondus avec les collemboles.

  • Une scolopendre
    Les chilopodes : ceux-là possèdent des forcipules – des crochets à venin – situés sur le premier segment postcéphalique. Leur morsure n'est pas mortelle mais reste très douloureuse, voire dangereuse. Vous en connaissez sûrement l'un des ordres principaux, les scolopendres ! Célèbres pour être l'une des insultes favorites du Capitaine Haddock, elles sont très répandues sur le contour méditerranéen.
    Cependant, les scolopendres ne sont pas agressives et ne mordent que lorsqu'elles se sentent menacées. S'il vous arrive d'en croiser une, il ne faut surtout pas agir avec elle comme vous le feriez avec une guêpe, c'est-à-dire qu'il vous faut éviter de sortir la vieille carabine tonitruante du grand-oncle Joachim qui a fait la guerre d'Algérie et de tirer à bout portant sur la pauvre bête. Vous risqueriez d'une part de trouer votre carrelage et de vous exploser le pied, et d'autre part de manquer la scolopendre, qui n'aura sûrement pu s'empêcher de vous mordre entre temps. Essayez plutôt de la déplacer avec prudence et, bien sûr, sans la toucher directement, en s'assurant que ni vous ni elle n'allez vous blesser mutuellement.

  • Les diplopodes : ce sont bien eux que l'on nomme, par abus de langage, des mille-pattes(2).
    Il en existe plusieurs familles, mais les plus connues sont sûrement

    • Une iule

    La iule, qui gagne une paire de pattes à chaque mue. Ainsi, plus elle vieillit, plus elle a de membres !

    • Un gloméris

    Le gloméris, une adorable créature inoffensive ressemblant drôlement à un cloporte, car elle possède une carapace rigide qui la rend très solide(3).

Mais alors, quelle est la raison d'être de cet article ? Je ne comptais pas vous présenter les myriapodes et vous en faire une liste exhaustive et inintéressante. Le but est de casser un peu le mythe et de vous prodiguer un peu de culture.
En effet, il n'est pas rare de voir dans des émissions de télévision – fort intéressantes pourtant – des appellations grotesques de nos amis myriapodes. Ainsi, on aura pu voir une scolopendre affublée du titre humiliant de « cruel mille-pattes », tandis qu'un gloméris sera considéré comme un « terrifiant cloporte », et il ne sera pas surprenant d'entendre que les symphyles et pauropodes sont de « petites crevettes ».

Cependant, le pire n'est pas encore ces dénominations barbares et incultes. Non, c'est que l'on pense désormais que les myriapodes n'existent que dans les forêts tropicales ou dans les pays du tiers-monde (c'est la même chose pour les serpents).
Or, il n'est pas rare d'en croiser dans son jardin, et le pourtour méditerranéen est très célèbre pour ces animaux exotiques. Ainsi, je parle ici pour les gens du Sud, suivez bien mes conseils lorsque vous croisez une scolopendre cachée sous une pierre !

Bref, cet article est aussi là pour vous rappeler qu'il ne faut pas trop juger un arthropode à son apparence, car ils se ressemblent tellement…


  1. (1) Il existe bien d'autres sous-embranchements, voir le lien en fin d'omnilogisme.
  2. (2) Le terme français centipède est utilisé en anglais pour le désigner, car il est plus adapté au nombre de pattes réelles qu'ont les arthropodes (jamais plus d'une centaine).
  3. (3) Il m'est arrivé, par exemple, de voir un groupe de fourmis escalader curieusement un gloméris sans pour autant l'empêcher de continuer sa course, c'est vous dire ! Cette scène rappelait drôlement la cavalerie polonaise se jetant sur les divisions de Panzer, en 1939. Mais ça, c'est une autre histoire.