Saviez-vous que le record du monde de la plus grosse bulle de chewing-gum était de 62cm ? Et que ce record est détenu non pas par une bouche humaine, mais par une machine spécialement conçue pour ça par une équipe de scientifiques déjantés ? Et, avis aux amateurs de bubble-gum, pour battre ce record la gomme doit auparavant être débarrassée de son sucre ! En effet, au cours de la mastication, le caoutchouc est séparé du sucre et gagne ainsi en élasticité – tandis que le consommateur gagne en kilos superflus !

Mais d'où vient cette curieuse habitude de mâchonner une drôle de substance, peu nutritive et pas vraiment comestible ? Aurions-nous un ancêtre commun avec les ruminants de nos campagnes ?

Dès la Préhistoire, on retrouve la trace de dents humaines sur des morceaux de résine de conifères. On suppose d'ailleurs que les polyphénols contenus dans la sève et l'écorce des résineux exerçaient une action antiseptique bénéfique sur les gencives de nos prédécesseurs.

De toutes parts sur la planète cette manie a été copiée-collée : les Égyptiens comme les Ottomans prisaient la résine aromatique du pistachier lentisque, ou arbre à mastic (non pas « mastique »), qui durcit au contact de l'air et a la réputation de blanchir les dents. Les premiers habitants d'Amazonie mâchaient des boulettes de tabac, et dans les Andes on goûtait les noix du kolatier. En Asie, on mâche toujours des feuilles de bétel mêlées à de la noix d'arec, une préparation stimulante et coupe-faim qui a la particularité de teindre les dents en rouge ! Et au Mexique, les Mayas mastiquent depuis 5 000 ans une gomme (appelée chiclé) issue du latex de sapotillier, un arbre du Yucatan.
C'est cette gomme qui fut importée en Amérique du Nord en 1872 par Thomas Adams, un scientifique et industriel américain qui espérait s'en servir pour fabriquer des pneus. Mais le chiclé ne possédant pas toutes les qualités requises pour remplacer le caoutchouc, il fut revendu à bas prix à des pharmacies pour remplacer la paraffine, qu'il était à la mode de chiquer. Très vite, le chiclé s'impose comme LA pâte à mâcher, commercialisée sous le nom de Yucatan chewing-gum.

À noter que le chewing-gum gagna ses lettres de noblesse en même temps que sa composition perdit de son naturel. D'abord simplement enrichi au sirop de glucose, puis au naphte (sorte de bitume liquide), puis parfumé à l'alcool et à la réglisse, il devint progressivement un composé qui n'a plus grand-chose d'alimentaire. Voyez plutôt : la gomme qui vous sert à faire des bulles est aujourd'hui composée d'un copolymère élastomère obtenu à partir de pétrole(1) (plus précisément de l'isobutylène-isoprène, ou « caoutchouc butyl »(2), miam !), d'agents sucrants (édulcorants, aspartame, polyols) qui constitueront 70 % du produit fini, de cires plus ou moins végétales (paraffine, carnauba…) qui confèrent sa plasticité au chewing-gum, de pigments minéraux qui améliorent la qualité mécanique de la gomme, de résines qui donnent du liant, de colorants, d'additifs divers (dioxyde de titane, galate d'octyle, butylhydroxytoluène, etc.), d'arômes de synthèse et d'agents émulsifiants, gélifiants, adoucissants, texturants, stabilisants et d'enrobage.
Bref, que du bon ! Et nous parlons ici seulement des composés accessibles à la requête, pas des multiples artefacts et traces qui peuvent se glisser dans la pâte au cours de sa fabrication. Que mâche-t-on au juste avec son chewing-gum ? Mystère et boule de gomme !

Mais pour les amateurs de « do-it-yourself », il existe des variantes plus naturelles, et biodégradables : le latex de l'arbre chizacapote ou la gomme de sapotillier, sucrés au sirop d'agave ou au sucre de canne, les boulettes de cire d'abeille, les tranches de bananes séchées, et pour les goûts salés, les morceaux de poulpe ou de porc séché…


  1. (1) C'est d'ailleurs encore l'inventeur du caoutchouc synthétique et fabricant de pneus Goodyear qui produit la matière première pour la première marque mondiale de chewing-gums, Wridley's.
  2. (2) Composant principal des mastics et des joints, des adhésifs, des revêtements anti-corrosion, des huiles isolantes, mais aussi de nombreux cosmétiques et d'un liant pour explosif. Ne pas avaler.